mercredi 27 avril 2016

Loin des yeux, une psychiatrie « périphérique »

26/04/2016


À la préhistoire des ordinateurs, dans les années 1960, un programme de traduction automatique avait rendu l’expression « loin des yeux, loin du cœur » par l’équivalent anglais de la formule « invisible périphérie. » Bien que chaque idée corresponde effectivement terme à terme («invisible » avec « loin des yeux », et « périphérie » avec «loin du cœur », c’est-à-dire excentré), la collusion des deux entités paraît déconcertante... Mais cette anecdote des pionniers de l’informatique retrouve une certaine actualité, à la lecture d’un éditorial du British Journal of Psychiatry dont le titre évoque cette locution « loin des yeux, loin du cœur » : Out of sight, out of mind  (Hors de vue, hors de l’esprit).
Les auteurs rappellent que, suite au programme de fermeture (surtout entre 1992 et 2002) des hôpitaux psychiatriques de proximité, dont le nombre s’élevait autrefois à une centaine au Royaume-Uni[1], le recours à des structures privées et hors secteur (out of aera treatments, OAT) augmente massivement pour des patients délaissés par les services publics. En particulier quand ces malades ont des besoins de soins à long terme, ou sont réputés « difficiles » pour les (rares) services locaux, en raison d’une résistance au traitement ou d’une problématique « très complexe. »

Des économies possibles en retournant au service public

Ces modes d’internement (placements) hors secteur sont considérés parfois comme une résurgence « virtuelle » des asiles d’antan (virtual asylums) et donc exposés aux mêmes critiques que les anciennes institutions asilaires, concernant notamment la question sensible de leur coût. Pour l’ensemble des OAT (au nombre de 6 280 actuellement), une étude réalisée avec le concours du Royal College of Psychiatry évoque un montant total de 220 millions de £ (environ 288 millions €), soit un coût moyen de 35 000 £ par an (environ 46 000 €), à comparer à celui d’une prise en charge « équivalente dans un service local de réadaptation », estimé à 22 000 £ seulement (environ 29 000 €).
On constate ainsi que cette psychiatrie « périphérique » (loin du secteur public) représente un surcoût important, relativement à l’ancienne psychiatrie de proximité, et qu’un retour  à ce « cœur » classique de la spécialité permettrait de réaliser des économies bien visibles, en recentrant davantage les prises en charge sur le secteur public...
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Brooker CGD et Brown M: Out of sight, out of mind. Br J Psychiatry 2015: 207: 474–475.

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