vendredi 8 avril 2016

Bonne nuit les psychiatres !

07/04/2016

« Le patient développe une sensibilité exacerbée aux indices acoustiques minimaux : la plume du médecin qui gratte le papier, sa chaise qui grince, le bruit presque imperceptible lorsqu’il lisse sa barbe... jusqu’à ce qu’un certain type de respiration rythmée lui fasse savoir que son thérapeute a fini par s’assoupir. » Même si cette citation de Paul Watzlawick (dans La réalité de la réalité, Édition du Seuil, 1978) paraît caricaturale, et même si la somnolence le guette plus volontiers lors d’une réunion fastidieuse que face à son patient, il est vrai que le psychiatre est sujet à la fatigue, voire à l’endormissement. Et comme la période du résidanat en médecine est reconnue pour « ses longues heures de travail » pouvant entraîner « une mauvaise qualité du sommeil et une somnolence diurne », une étude transversale (réalisée au Brésil) a évalué cette qualité du sommeil et la « somnolence diurne excessive » dans une population de 59 résidents en psychiatrie, et la relation éventuelle de ces troubles du sommeil avec des problématiques anxio-dépressives : anxiété, phobie sociale, dépression...

Un mauvais sommeil pour près de deux tiers des internes en psychiatrie

En s’appuyant sur l’Index de Qualité du Sommeil de Pittsburgh[1] et sur l’échelle de somnolence d’Epworth [2], les auteurs constatent ainsi que 59,3 % de ces résidents ont une « mauvaise qualité du sommeil » et 28,8 % une « somnolence diurne excessive. » Autrement dit, presque deux (jeunes) psychiatres sur trois dorment mal, et près d’un sur trois somnole de façon incongrue... Cette enquête sur le sommeil des psychiatres montre que « seulement 20% » de ces résidents ayant un mauvais sommeil consultent un confrère pour ce problème. Toutefois, 54 % d’entre eux ont déjà eu recours à « des médicaments pour mieux dormir », et près de 17 % en utilisaient lors de l’étude en question... Sans surprise, ce mauvais sommeil est « associé à des horaires de repos irréguliers » (p=0,001).
Nouvelle illustration du dicton « les cordonniers sont les plus mal chaussés » ou du simple fait que les psychiatres sont aussi des humains, on observe une association entre une mauvaise qualité du sommeil chez ces professionnels et des « scores élevés de symptômes d’anxiété (p<0 de="" et="" mes="" p="0,02).</em" phobie="" sociale="" sympt=""> » Vu l’incidence possible de ces troubles du sommeil ou/et anxio-dépressifs sur « la qualité de vie, le syndrome métabolique, et le rendement au travail », les auteurs préconisent d’accorder une meilleure attention à ce sujet. Comme disait déjà le proverbe latin, «medice, cura te ipsum », médecin, soigne-toi (déjà) toi-même !...
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Matias Carvalho Aguiar Melo & coll.: Sleep quality among psychiatry residents. The Canadian Journal of Psychiatry, 2016, 61(1): 44–49.

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