vendredi 4 mars 2016

Un collectif étudiant donne des clés pour garder son indépendance face à l'industrie pharmaceutique



"Pourquoi garder son indépendance face aux laboratoires pharmaceutiques ?" est accessible gratuitement en ligne.
Ils sont une quinzaine d'étudiants en médecine à avoir créé un livret qui questionne. "Pourquoi garder son indépendance face aux laboratoires pharmaceutiques ?" est un ouvrage gratuit et pédagogique. Il donne des clés, aux professionnels comme aux étudiants, pour conserver son indépendance face à l'industrie et privilégier l'intérêt du patient.

"Pourquoi garder son indépendance face aux laboratoires pharmaceutiques ?" L'explication tient en un petit livret – "au format d'une poche de blouse" – d'une trentaine de pages. C'est un collectif d'une quinzaine d'étudiants en médecine, la Troupe du rire, qui en est l'auteur. Cadeaux, techniques d'influence, publicité... ce livret, qui s'appuie sur des sources solides tels que l'Organisation mondiale de la santé (OMS), donne les clés aux étudiants et professionnels de santé pour garder leur indépendance. Cette initiative a reçu le prix Prescrire, par la revue éponyme, fin 2015. L'idée aura mis trois ans pour arriver à maturité. Le collectif se réunit en effet depuis plusieurs années afin d'échanger et débattre sur des questions d'éthique notamment. "À partir de la quatrième année d'étude de médecine, les cours de lecture critique d'article (LCA) se mettent en place. Mais, à suivre ces cours, on a vite remarqué que les enseignements étaient peu adaptés car les articles font déjà l'objet de nombreuses influences. L'idée de réaliser quelque chose sur l'indépendance à garder vis-à-vis des industriels a émergé", explique Benoît, l'un des membres du collectif, étudiant en septième année dans une faculté parisienne.

10 000 exemplaires en circulation


L'occasion pour la Troupe du rire de se pencher sur ce sujet. Au fil des opportunités, le groupe noue des partenariats, avec la revue Prescrirenotamment et avec le collectif Formindep, "pour une formation médicale indépendante au service des seuls professionnels de santé et des patients". Pour les étudiants l'objectif est clair : sur un ton pédagogique et accessible, il s'agit d'aborder la question de l'influence des laboratoires sous toutes ses formes et surtout d'aider les professionnels, et futurs professionnels, à conserver leur indépendance. Il s'agit aussi de tordre le cou à certaines idées reçues. "Par exemple, pourquoi utiliser le Vidal, qui n'est pas une source indépendante, alors qu'il existe une base de données accessible par tous et gratuite ?", s'interrogent les étudiants. Sur le fond, les jeunes se sont donc appuyés sur le travail de l'OMS. "On a fait la synthèse des travaux sur le sujet. Puis pour la forme, il a fallu trouver des financements", confie Karim pour le collectif. D'abord, le groupe a misé sur l'autofinancement. Il a ensuite lancé une campagne de financement. Petit geste par petit geste, il aura récolté près de 6 000 euros pour pouvoir concevoir et imprimer quelque 10 000 livrets en circulation. Ces livrets sont disponibles sur demande en version papier ou téléchargeables. "Le but c'est de le diffuser à un maximum de personnes", reconnaît Benoît.

Des réactions contrastées

Les membres du collectif n'hésitent d'ailleurs pas à en distribuer durant leur stage ou à leurs collègues de faculté. Mais quelles sont les réactions des enseignants et des professionnels qui les accueillent dans leur service ? "Les professeurs sont souvent mitigés, ce sont eux qui abordent la question de l'indépendance pendant les cours mais en même temps, dans leurs services, ce sont aussi eux qui sont en contact direct avec les laboratoires", poursuit Benoît. "Globalement, les paramédicaux sont plus réceptifs. Les infirmières voient bien les évolutions des prescriptions après le passage d'un représentant", note Karim. Côté laboratoire, pas vraiment de réaction. D'ailleurs, le collectif précise : "nous ne sommes pas du tout contre les laboratoires et nous respectons leur travail. C'est juste que nous n'avons pas le même rôle vis-à-vis du patient". Le sujet est sensible. C'est pour cette raison que les membres du collectif ont souhaité garder l'anonymat. "Notre travail peut déranger. Il remet en cause pas mal de pratiques...". Mais le binôme insiste : "il est important d'enseigner l'esprit critique dans la formation médicale. C'est cet esprit critique qui est garant de l'indépendance", conclut Benoît.
Clémence Nayrac 

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