mercredi 23 mars 2016

POLITIQUE DE SANTÉ Gérard Vincent prédit une "catastrophe" faute de convergence entre sanitaire et médico-social

Gérard Vincent
Remplacé mi-février par David Gruson comme délégué général de la FHF, Gérard Vincent était invité ce 21 mars à porter un regard prospectif sur l'évolution du système de santé. Face aux fermetures de lits de médecine et au fossé grandissant entre secteurs sanitaire et médico-social, il pressent une "catastrophe sanitaire" sous dix à quinze ans.
Après quarante-six ans passés en responsabilités hospitalières, l'ancien délégué général de la FHF, Gérard Vincent, qui a laissé sa place cet hiver à David Gruson* (lire ci-contre), a livré ce 21 mars son regard sur le système de santé. Invité par la FHF Île-de-France à l'Institut national de jeunes sourds de Paris (5e arrondissement), il s'est inquiété du "fossé grandissant" entre sanitaire et médico-social. Malgré les promesses de décloisonnement affichées par la loi HPST, "je ne le vois pas se réduire mais au contraire s'agrandir". Et si l'on touche au handicap, le constat paraît encore plus "dramatique", à entendre le nouveau retraité : "Le retard de la France est considérable, on a failli à notre mission". Sans compter que les nombreuses fermetures de lits de médecine sur l'autel du plan triennal d'économies ne sont pas pour le rassurer.

La "vague déferlante" des personnes âgées

Car si cette diminution de voilure est compréhensible en chirurgie, "le problème n'est pas le même" en médecine. "La vague déferlante des personnes âgées va poser des problèmes sanitaires considérables !, prédit l'ancien dirigeant de la FHF mais aussi ancien inspecteur général des affaires sociales ou encore ancien directeur des hôpitaux (lire l'encadré). Je ne peux pas croire qu'on arrivera à les prendre en charge si on supprime les structures de proximité. Le risque est grave. On est en train de construire une catastrophe sanitaire dans les dix à quinze ans qui viennent !" Que faire ? "Honnêtement, je ne sais pas", confie Gérard Vincent, avouant son "impuissance". "Je suis malheureux mais je ne peux pas répondre..." Et de pointer des barrières liées à la culture, à la civilisation... "C'est dans nos têtes". La solution HAD ? Certes, elle reste à développer, indique l'hospitalier, notamment à l'hôpital public qui est très en retard. Mais sitôt d'avertir : "Ça ne règlera pas tout, surtout s'agissant des personnes âgées défavorisées. Elles seront hospitalisées même si c'est dans des structures inadaptées à leurs besoins."

Dans son travail de mémoire et de prospection, l'ancien responsable a par ailleurs rappelé tout l'intérêt d'une stratégie de groupe comme il a défendu la notion d'"hôpital entreprise". D'ailleurs, ça ne l'embêterait pas, comme il l'a confié, "que le service public hospitalier soit assuré non plus demain par l'hôpital public stricto sensu mais par le privé non lucratif". À l'écouter, la notion précitée et ce modèle d'hospitalisation ont tout pour converger. Enfin, Gérard Vincent est revenu sur l'évolution de la chirurgie, rappelant combien le modèle actuel de clinique ou hôpital MCO était voué à disparaître. D'où la nécessité de créer des centres de chirurgie ambulatoire autonomes en centre-ville. La pertinence des actes reste également "un champ pas assez labouré". En revanche, l'utilité sociale de l'hôpital, notamment de ses urgences, ne faiblira pas, pressent l'intéressé. Au contraire, il n'ira que croissant à moins que les ARS parviennent à jouer de leur pouvoir sur la médecine de ville.

FHF, Igas, ministère de la Santé, AP-HP...

Né le 20 mars 1948, Gérard Vincent assurait les fonctions de délégué général de la FHF depuis 1998, soit six mandats consécutifs. Directeur d'hôpital de formation et inspecteur général des affaires sociales sorti en 1970 de l'École nationale de la santé publique (ENSP, désormais École des hautes études en santé publique, EHESP), il a d'abord été assistant de direction à l'hôpital Bichat-Claude Bernard de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP, 1971-1972). Il devient ensuite trois ans durant directeur adjoint de l'hôpital Béclère (1974-1977) puis directeur de l'Hôtel-Dieu de 1977 à 1989. Il a également été directeur des hôpitaux (désormais DGOS) de 1989 à 1995 puis a intégré l'Igas avant de prendre les rênes de la FHF. Il a également présidé l'Institut national de jeunes sourds de Paris, la Fédération européenne des hôpitaux (Hope) et la Fédération internationale des hôpitaux (FIH).
Thomas Quéguiner
* Jusqu'au 1er avril, date de son départ en retraite, Gérard Vincent reste conseiller du président de la FHF, Frédéric Valletoux.
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Vos réactions (9)

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Gérard LEVASSEUR
Je précise que, suite à une erreur de frappe, ma deuxième phrase devait être écrite ainsi : C'est une fuite en avant dès lors que ne sont pas posées les questions des moyens - qui supposerait une autre répartition des richesses - et du modèle économique dans lequel s'inscrivent les questions qui sont posées s'agissant notamment de l'accueil et de l'accompagnement des personnes âgées.
Gérard LEVASSEUR
En quoi un service public hospitalier assuré par un secteur privé non lucratif (donc associatif) et non plus par l'hôpital public "stricto sensus" répondra aux problématiques évoquées ? C'est une fuite en avant dès lors que la question des moyens - qui supposerait une autre répartition des richesses - et du modèle économique dans lequel s'inscrivent les questions qui sont posées s'agissant notamment de l'accueil et de l'accompagnement des personnes âgées. 
Le secteur social et médico social, aujourd'hui précisément aux mains d'un secteur associatif non lucratif en sait quelque chose...
Alain HERVET
cadre socio éducatif et avec 32 ans ( demain ) de pratique hospitalière je suis très sensible aux propos de Mr VINCENT sur cette réalité qui va nous pèter au visage ( cela a déja commencé ); cette réalité je la vois au travers du service social écartelé entre une communauté hospitalière qui ne peut pas " consacrer " tous ces lits aux personnes âgées et des aidants et des services d'aide et de proximité ET DE CONSEIL...... ( MAIA , CLIC etc.....) qui attendent des miracles et des solutions de notre part !
Patrick DELBONNEL
triste perspective mais assurément très réaliste.
Georges COUTURIER
Bien sûr la crise annoncée de l'accueil du trés grand âge dans des urgences dédiées et des lits de médecine polyvante ou gériatrique , préoccupe les responsables de terrain face à une politique de fermeture de lits de médecine de proximité .IL est important que G VIncent le rappelle à nos responsables administratifs vivant dans l'illusion des hôpitaux de jour de médecine comme réponse à cet afflux de personnes trés âgées à la porte de nos hôpitaux .
Georges COUTURIER
Merci à Gérard Vincent pour sa vision d'un service public rénové , en constante recherche d'adaptation à son environnement . Merci à ce grand directeur qui honore le corps des hospitaliers .
Service COMMUNICATION
La catastrophe est déjà largement amorcée aujourd'hui avec ces hospitalisations de vieux dans n'importe quels lits et le glissement des EHPAD vers un statut de sous hôpital sous doté.Une des conséquences aussi des pressions de la T2A qu'accentuera la "stratégie" de groupe des GHT,avec des établissements satellites de l' établissement support .
Service COMMUNICATION
La catastrophe est déjà largement amorcée aujourd'hui avec ces hospitalisations de vieux dans n'importe quels lits et le glissement des EHPAD vers un statut de sous hôpital sous doté.Une des conséquences aussi des pressions de la T2A qu'accentuera la "stratégie" de groupe des GHT,avec des établissements satellites de l' établissement support .
Michel THIRIET
Départ d'un très grand hospitalier, un visionnaire sans complaisance beaucoup trop rare aujourd'hui. Merci Gérard.

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