jeudi 18 février 2016

Des chercheurs français expliquent comment la forme des cellules se maintient au cours des divisions cellulaires

  18.02.2016

C'est une énigme centenaire que vient de résoudre une équipe française du laboratoire Génétique et biologie du développement (CNRS/Institut Curie/INSERM/UPMC). Leurs résultats sont publiés dans la prestigieuse revue britannique « Nature ».

Chez l'homme, jusqu'à 20 millions de divisions cellulaires surviennent chaque jour mettant en péril l'organisation tissulaire. Des travaux ont montré que la division cellulaire et donc la croissance, la morphogenèse et l'organisation des tissus épithéliaux « sont gouvernées par deux règles fondamentales mais, étonnamment, incompatibles », explique Yohanns Bellaïche, directeur de recherche, l'un des auteurs de l'étude.

Règle de Hertwig

La première de ces règles, la règle de Hertwig, a été découverte il y a plus de 130 ans. Dans les tissus épithéliaux (peau et muqueuses), les cellules se divisent généralement dans le sens de leur longueur, dans le sens de l'axe le plus grand de la forme cellulaire avant la division. Cette observation faite par Oscar Hertwig sur des embryons d’oursin « a été validée dans de très nombreux tissus animaux et sous-tend de très nombreux comportements collectifs des tissus au cours de la vie », précise Yohanns Bellaïche.

La deuxième règle conduit à une perte de forme : la cellule s'arrondit afin de permettre à chaque chromosome de s'ancrer au fuseau mitotique et assurer ainsi la ségrégation correcte du matériel génétique dans chaque cellule fille.

L'équipe française a cherché à comprendre comment ces deux mécanismes pouvaient coexister. Il s'agissait pour eux « d'identifier les mécanismes moléculaires permettant à une cellule de mesurer sa forme avant la division et de garder une trace de cette information lors de son arrondissement pendant la division », résume Yohanns Bellaïche.

Leurs travaux réalisés chez la drosophile ont combiné différentes techniques : imagerie time-lapse, nano-ablation laser et modélisation physique. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence le rôle fondamental des jonctions tri-cellulaires.

Contrôle des gènes « suppresseurs de tumeurs »

Ces points de contact où se touchent 3 cellules, ont une fonction de capteur et de mémoire de forme au cours du cycle cellulaire. « Jusqu'à présent, ces structures avaient été étudiées pour leur rôle de maintien de la barrière épithéliale, prévenant les fuites au travers des tissus épithéliaux », souligne Yohanns Bellaïche. En plus de maintenir la barrière épithéliale, les jonctions tri-cellulaires contiendraient en quelque sorte les moteurs moléculaires qui tirent sur le fuseau mitotique et l’orientent donc de manière à satisfaire la règle de Hertwig bien que la cellule s’arrondisse au cours de la division.

Selon des études récentes, de nombreuses molécules sont localisées au niveau de ces jonctions telles que des régulateurs du cytosquelette, de l’adhésion et de protéines contrôlant des gènes « suppresseurs de tumeurs ». Ainsi les jonctions cellulaires pourraient jouer un rôle plus général de capteur de forme cellulaire intrinsèque et de coordination entre géométrie et activité des cellules.

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