lundi 11 janvier 2016

La prise en charge des addictions en UHSA n'apparaît pas comme orientation prioritaire des soignants

Une enquête de l'OFDT sur la gestion des drogues en unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) montre que la prise en charge des conduites addictives n'apparaît pas prioritaire par rapport au traitement des crises psychiatriques aigües. Cette question ouvre cependant une réflexion sur le champ de la thérapeutique en addictologie.
Une enquête de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) sur la gestion des drogues en unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), dont les résultats sont présentés et commentés dans une note de 16 pages publiée le 5 janvier, constitue "une première en France", selon l'observatoire. "Ce caractère inédit résulte notamment du caractère récent d’un dispositif encore peu investi par les chercheurs", est-il souligné. La méthodologie de l’enquête repose sur des observations ethnographiques et des entretiens, "qui présentent certaines limites : l’exploration du fonctionnement de sept UHSA sur la question des drogues repose sur la parole d’acteurs représentant institutionnellement leur structure", commente l'OFDT. Elle souligne cependant que la méthodologie optimale, à savoir une immersion, aurait été "très coûteuse en termes de temps". Le dispositif d’enquête permet néanmoins de dresser une cartographie des positions des professionnels en UHSA et une vision du fonctionnement de toutes les structures existantes en France, estime l'observatoire.

La conduite addictive traitée comme symptôme

La prise en charge de la toxicomanie en UHSA s’appuie de fait sur plusieurs moyens destinés d’abord à contrôler l’entrée et la circulation des drogues dans l’institution et, ensuite, à travailler sur les conduites addictives. Ces ressources sont de trois ordres : médicamenteuses, institutionnelles et psychothérapeutiques (actions ciblant les comportements addictifs et prise en charge de cures de sevrage). "Certains leviers font quasiment consensus entre les soignants, comme les stratégies médicamenteuses, d’autres non, tels que le signalement des détenus détenteurs de drogues à l’administration pénitentiaire mais également les actions thérapeutiques ciblant les conduites addictives", indique l'OFDT. Ce désaccord ouvre "une réflexion sur l’investissement des soignants en UHSA dans le champ de l’addictologie, par rapport au rôle qu’ils entendent faire jouer à leur institution dans le circuit de prise en charge de ces conduites en prison". L'observatoire annonce que "le point de vue le plus rencontré dans l’enquête peut dès lors être résumé comme suit : la prise en charge des conduites addictives relève de la psychiatrie mais les soignants ne l’appréhendent pas comme une orientation prioritaire". Selon les retours de l'enquête, la vocation de l’UHSA, voire de la psychiatrie, est le traitement de la crise psychiatrique aiguë et ce trouble peut donc être pris en charge mais uniquement lorsqu’il est associé à une comorbidité psychiatrique. "Le soin proposé consiste alors en une approche d’ensemble des troubles mentaux où la conduite addictive est traitée comme un symptôme et un élément accélérant la décompensation psychotique", relève l'OFDT. Elle signale que l’UHSA n’est d’ailleurs pas directement impliquée dans le suivi psychothérapeutique de long terme des conduites addictives qui relève de l’ambulatoire. "Un point de consensus émerge en outre sur les cures de sevrage : elles peuvent relever du champ de la psychiatrie car la conduite addictive qui les sous-tend se greffe la plupart du temps sur un trouble de la personnalité, mais elles ne constituent pas "le fonds de commerce" de l’UHSA", poursuit l'observatoire.

Quelles frontières professionnelles en addictologie ?

C’est ainsi que les cures de sevrage sont perçues comme des prises en charge "de second rang", relève l'OFDT. La place donnée à ces cures dans les différentes UHSA en France est également à mettre en lien avec le contexte local dans lequel "s’est cristallisée une histoire singulière et parfois professionnellement conflictuelle" de la prise en charge des addictions dans les différents établissements pénitentiaires, analyse-t-il. "Ces situations particulières méritent d’être approfondies en questionnant la manière dont la psychiatrie y a réparti les prises en charge qui relèvent de l’ambulatoire et de l’hospitalisation, et les liens qu’elle a établi avec l’UCSA (1) d’un côté, et les Csapa (2) de l’autre", commente l'observatoire. Et de souligner pour finir : "La question du rôle de l’UHSA dans la prise en charge des conduites addictives ouvre donc une réflexion sur le travail des frontières professionnelles dans le champ de l’addictologie et révèlent la prison comme un lieu de choix pour étudier ces problématiques car elle exacerbe des conflits qui se révèlent souvent plus éclatés et diffus en milieu ouvert".
Caroline Cordier 
(1) Unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA)
(2) Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa)
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