jeudi 24 décembre 2015

Conseils à un jeune chercheur en psychiatrie

29/12/2015




Deux psychiatres d’Australie proposent des « conseils à un jeune » collègue désireux de s’engager dans une carrière de recherche en psychiatrie. La qualité première « sine qua non» du chercheur est la vocation, la « passion de l’excellence dans la pensée critique. » En effet, précise Santiago Ramón y Cajal[1] dans Advice for a young investigator[2], la déférence excessive aux travaux de ses prédécesseurs peut nuire à la créativité : il faut certes connaître et respecter la démarche de ses aînés, mais aussi se garder d’une admiration excessive risquant de stériliser une originalité parfois nécessaire pour proposer un nouvel angle d’attaque d’une question encore en suspens. Le chercheur doit donc savoir sortir des sentiers battus et se consacrer à des sujets plus inattendus car, résument de façon pittoresque les auteurs, « il n’y a aucun intérêt à suivre le troupeau. »

Avant d’entamer toute investigation, il est aussi impératif de trouver, un « superviseur » ayant « dans l’idéal les qualités d’un mentor » susceptible d’introduire son « poulain » dans les arcanes d’un métier difficile et souvent peu rémunérateur (matériellement). L’aide de ce mentor permet aussi d’accéder à certaines ressources (abonnements aux revues spécialisées, possibilité de publier dans ces revues à comité de lecture où l’évaluation par les pairs est indispensable, octroi de certains financements...) et, surtout, d’accroître la crédibilité du débutant lorsqu’il s’appuie sur la notoriété d’un chercheur confirmé.

Pas de place pour les dilettantes

Expliquant avec réalisme que, dans cette profession, « il n’y a pas de place pour les dilettantes », les auteurs affirment, dans une envolée lyrique et emphatique, que les jeunes psychiatres se consacrant à la recherche doivent « à l’instar de Prométhée, s’emparer du feu de la connaissance pour éclairer notre chemin scientifique. » Les jeunes chercheurs sont en général contraints de « faire bouillir la marmite » en exerçant un emploi à temps partiel où ils gagnent moins qu’en exerçant la médecine de manière classique, mais ils ont alors du temps libre pour se consacrer à leurs travaux de recherches.
Comme le montre le destin professionnel du Pr. Luc Montagnier, toute recherche scientifique est un pari sur l’avenir. En 2008, avec seulement un quart de siècle de retard sur l’actualité, le jury du Prix Nobel de Médecine récompense Luc Montagnier (avec Françoise Barré-Sinoussi et Harald zur Hausen, mais en oubliant d’autres contributeurs décisifs à la découverte du VIH, comme l’Américain Robert Gallo et le Français Willy Rozenbaum). Interviewé vers 1990 dans Pour la Science, Luc Montagnier y confia que, le jour de sa thèse, sa mère et sa grand-mère ont pleuré car il leur signifiait son intention de ne pas s’installer, mais de se consacrer à la recherche médicale. Pour elles, un « vrai » médecin devait gagner sa vie à soigner des malades, en ville ou à l’hôpital : sous cet aspect, Luc Montagnier leur paraissait donc manquer à la vocation du « vrai médecin. » Ces braves femmes pleureraient-elles encore, désormais ?... Le parcours exemplaire de Luc Montagnier confirme en tout cas cet aphorisme célèbre : « Le praticien gagne sa vie avec ce qu’il sait déjà, le chercheur avec ce qu’il ignore encore. »
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Looi JCL & Liberg B: Advice for a young psychiatrist researcher. Aust N Z J Psychiatry, 2015; 49: 683–685.

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