lundi 21 décembre 2015

Alzheimer : la piste inédite des protéasomes dans les tauopathies

21.12.2015

Les protéasomes, ces organites de dégradation intra-cellulaire, pourraient être un levier jusqu’ici inexploré pour inverser la maladie d’Alzheimer. Une étude américaine publiée dans « Nature Medicine » avec le soutien des National Institutes of Health (NIH) suggère que les processus neurodégénératifs liés à l’accumulation de protéine tau, les tauopathies, pourraient tirer bénéfice d’une intervention précoce au niveau du système de protéasome UPS (en anglais pour ubiquitin proteasome system).


Dans un modèle murin d’Alzheimer, les chercheurs de la Columbia University montrent comment ces organites sont altérés et effondrés au cours de la maladie. Un cercle vicieux se met alors en place : l’augmentation du taux de protéines non dégradées devient toxique, engorge les protéasomes restants et entraîne la mort neuronale. Selon l’équipe dirigée par le Dr Karen Duff, l’auteur senior, en agissant à un stade précoce, il serait possible de prévenir la démence et de réduire l’atteinte cérébrale.

Maintenir la dégradation et le recyclage

Petites machines à enzymes, les protéasomes dégradent les protéines endommagées en petits fragments, que la cellule recycle pour en produire de nouvelles. Pour comprendre comment les troubles neurodégénératifs altèrent les protéasomes, les chercheurs ont fait le choix de se concentrer sur la protéine tau, une protéine de structure qui s’accumule en amas. Cette dégénérescence neurofibrillaire est commune à toutes les tauopathies, dont la maladie d’Alzheimer. Plus le taux de protéine tau anormale augmente, plus l’activité des protéasomes diminue, c’est le point de départ des travaux des chercheurs.

Un levier potentiel... au stade précoce

Les scientifiques ont ensuite apporté la preuve qu’il était possible d’agir au niveau des protéasomes pour influer sur l’évolution de la maladie. In vivo et sur des coupes cérébrales chez la souris, ils ont testé avec succès le rolipram, un antidépresseur non utilisé en raison de sa toxicité, qui a un effet protecteur envers les protéasomes via une augmentation de l’AMP cyclique (inhibiteur de PDE4).
L’administration à un stade précoce a permis d’augmenter l’activité des protéasomes, de diminuer l’accumulation de protéine tau et de prévenir des troubles de la mémoire. En revanche, à un stade plus avancé, aucun effet n’a été observé chez les rongeurs.

Pour le Dr Natura Myeku, premier auteur, il ne s’agit pas d’utiliser en pratique l’antidépresseur mais de chercher dans cette voie une autre molécule mieux tolérée : « L’augmentation de l’AMP cyclique est une stratégie pharmaceutique qui vaut le coup de poursuivre. L’idée n’est pas d’appliquer immédiatement le rolipram en clinique mais de chercher des médicaments de mécanisme similaire. » C’est l’un des objectifs auquel travaille actuellement l’équipe des Drs Myeku et Duff. Mais ces derniers voient plus loin. « Les protéasomes que nous étudions dégradent aussi des protéines associées de nombreuses autres maladies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Huntington, la démence fronto-temporale et la sclérose latérale amyotrophique. Nous espérons pouvoir appliquer ces résultats à d’autres maladies avec accumulation de protéines », conclut le Dr Duff.

Dr Irène Drogou


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