jeudi 19 novembre 2015

Schizophrénie : prudence sur les benzodiazépines

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | Par Sandrine Cabut

La schizophrénie touche près de 1 % de la population.
La schizophrénie touche près de 1 % de la population. Klaus Rose/picture-alliance/dpa/AP Images
En matière de traitement des troubles agressifs dans la schizophrénie, tous les médicaments sont loin de se valoir, selon une étude nationale menée auprès de plus de 300 patients. Les antipsychotiques de deuxième génération semblent nettement plus efficaces que les molécules plus anciennes, de première génération. Quant aux anxiolytiques de type benzodiazépines, couramment prescrits à ces patients, ils ne devraient pas l’être au long cours car ils sont associés à un niveau d’agressivité plus élevé, conclut l’enquête, à paraître dans la revue Psychopharmacology.

La prévention des passages à l’acte hétéro-agressifs (envers autrui) est l’un des grands défis de la prise en charge de la schizophrénie. A l’échelle sociétale, l’enjeu est de réduire au maximum le risque que se produisent les faits divers dramatiques qui contribuent à l’image déplorable de la maladie. Ce dysfonctionnement de la connectivité cérébrale, qui touche près de 1 % de la population, reste bien souvent l’emblème de la folie avec délires, violences… Et le mythe qui fait du schizophrène un meurtrier, bien que battu en brèche par de nombreuses études scientifiques, a toujours la vie dure.
Une prise en charge adaptée de l’agressivité est aussi capitale pour les patients. « L’objectif de ces études n’est pas de les stig­matiser, mais au contraire de les aider car ils sont les premiers à se plaindre des effets de l’agressivité sur leur entourage, qui ­conduit à l’isolement et à la perte d’emploi », insiste le docteur Guillaume Fond, psychiatre et chercheur Inserm (Créteil), premier auteur de la publication. Avec le docteur Laurent Boyer (Marseille), il a analysé les données de 331 patients schizophrènes ayant consulté dans les dix centres experts du réseau FondaMental, sous la direction des professeurs Pierre-Michel Llorca (Clermont-Ferrand) et Antoine Pelissolo (Créteil).
Autoévaluation
Trois quarts des participants étaient des hommes, âgés de 32 ans en moyenne. Leur niveau d’agressivité a été autoévalué avec des questionnaires standardisés. « La schizophrénie est souvent associée à un défaut d’insight, c’est-à-dire une non-conscience des troubles, mais celle-ci porte principalement sur les idées délirantes et les hallucinations. Les patients sont en revanche souvent parfaitement capables de décrire leurs symptômes dépressifs et agressifs, c’est d’ailleurs surtout une action sur ces symptômes qu’ils attendent d’un traitement », précise le docteur Fond.
Dans cette cohorte, les anti­psychotiques de deuxième génération (comme l’olanzapine, la rispéridone ou la clozapine), de loin les plus prescrits, étaient associés à un niveau plus faible d’agressivité physique et verbale que ceux de première géné­ration. Les chercheurs ont aussi évalué les effets sur l’agressivité d’autres médicaments que prennent souvent les schizo­phrènes en plus des antipsychotiques. Aucun n’a été retrouvé avec les antidépresseurs et les stabili­sateurs d’humeur.
En revanche, les benzodiazépines (Xanax, Valium…), que 28 % de ces patients consomment au long cours pour lutter contre l’anxiété ou les troubles du sommeil, étaient associées à un score plus élevé d’agressivité et notamment de colère. « Notre étude suggère qu’il faut éviter autant que possible ces médicaments sur le long terme. En tout cas, il est ­important d’évaluer leur rapport bénéfice/risque », note M. Fond.
Ces résultats sont une nouvelle pierre dans le jardin des benzodiazépines, famille de médicaments déjà pointée du doigt pour ses nombreux effets secondaires : dépendance et accoutumance, difficultés de sevrage, mais aussi somnolence, coma, perte de conscience, état confusionnel, agitation, désorientation, voire démences et apnées du sommeil… Une liste impressionnante qui n’empêche pas les Français de continuer à adorer ces pilules : en 2014, 7 millions de personnes en ont consommé avec une visée anxiolytique, dont 16 % en traitement chronique (sur plusieurs années), selon la Haute Autorité de santé.

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