jeudi 5 novembre 2015

En France, il y a moins de naissances, mais les femmes font toujours autant de bébés

Le Monde.fr | 04.11.2015 | Par Julia Pascual


Fallait-il se réjouir ou frémir ? Mercredi 4 novembre, tandis que l’Insee publiait des chiffres sur une fécondité française triomphante au sommet de l’Europe, Le Parisien tirait au même moment la sonnette d’alarme et titrait en une : « Les Français ont le bébé-blues ». Il y avait de quoi être déboussolé. En réalité, à y regarder de plus près, tandis que l’Insee parlait torchon, le journal parlait serviette. Ou l’inverse. Et, a priori, il n’y a pas de quoi soulever des inquiétudes.


Si l’on s’en tient au nombre d’enfants nés depuis le début de l’année 2015, soit 569 000 bébés, ce chiffre est en effet le plus bas depuis 1999. Il y a eu 16 000 naissances en moins, sur les neuf premiers mois de l’année comparé à la même période de 2014.

Mais il serait dangereux de tirer des conclusions hâtives sur une éventuelle « panne » ou « fin du miracle » français, comme le sous-entend Le Parisien. D’abord parce que les chiffres de 2015 sont provisoires et que les données définitives ne seront connues qu’en janvier 2016. Ensuite, parce qu’une baisse du nombre de naissances ne signifie pas une baisse de la fécondité, c’est-à-dire du nombre d’enfants par femme. « Les deux indicateurs peuvent évoluer de façon différente », confirme Isabelle Robert-Bobée, cheffe de la division enquêtes et études démographiques à l’Insee.

Un point haut de 802 000 naissances en 2010

Le nombre de naissances réagit à trois variables principales : le nombre de femmes en âge d’avoir des enfants, qui évolue selon les générations ; l’âge auquel les femmes ont des enfants (30 ans aujourd’hui en moyenne) et le comportement des personnes qui choisissent ou pas d’avoir des enfants.

Si l’on prend un peu de recul sur les années, on observe que « depuis le milieu des années 1990, on est sur une tendance à l’augmentation des naissances jusqu’en 2010 », nous renseigne Isabelle Robert-Bobée.

On a donc atteint un point haut en 2010, avec 802 000 naissances. « Pourtant, il y avait moins de femmes en âge de procréer qu’en 2009, rappelle-t-elle. Ce point haut traduit donc une fécondité élevée, de deux enfants par femme, qu’on n’avait pas observée depuis la fin du baby-boom », période qui s’est étalée de l’après-guerre au début des années 1970 et pendant laquelle le taux de fécondité s’établissait au-delà de 2,65 enfants par femme.

Depuis 2010, « on est plutôt sur une légère baisse ou une stabilité du nombre de naissances », poursuit la responsable des études démographiques : 793 000 enfants sont nés en 2011, puis 790 000 en 2012, 782 000 en 2013 et 781 000 en 2014. Pas de quoi s’affoler : « On reste sur des niveaux hauts de naissance par rapport au début des années 2000. »

Moins de femmes en âge de procréer

Surtout, cette tendance à la baisse s’explique par une baisse du nombre de femmes en âge d’avoir des enfants. C’est ce qu’on appelle un effet de génération. Ainsi, il y avait 8,9 millions de femmes entre 20 et 40 ans en 2003. Dix ans plus tard, elles n’étaient plus que 8,6 millions. « A fécondité inchangée, on peut s’attendre à une baisse du nombre de naissances », résume Isabelle Robert-Bobée.

Pas de quoi crier au loup à ce stade. L’Insee le dit d’ailleurs dans une étude publiée mercredi 4 novembre et intitulée « la fécondité en France résiste à la crise ».

En effet, si la fécondité recule depuis 2008 dans la plupart des pays européens, l’Hexagone « fait figure d’exception ». La France est, d’après les dernières données consolidées disponibles de 2013, « le pays européen où la fécondité est la plus élevée ». En outre, elle est stable depuis 2006. Le pays a donc « globalement mieux résisté au choc économique » que ses voisins. L’Espagne, la Grèce ou le Portugal, « les pays méditerranéens les plus durement touchés par la crise, ont connu des baisses importantes de fécondité ». En cause : la hausse du chômage et les reports de projets de maternité qui en découlent.

L’Insee rappelle enfin que les changements de politique familiale ne semblent guère amortir les effets de la crise sur la fécondité, une façon de suggérer que les réformes opérées par l’actuel gouvernement – et notamment de modulation des allocations familiales en fonction des revenus – auront un impact sur la fécondité très faible, à court terme en tout cas.

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