mardi 3 novembre 2015

Bonnemaison : l’appel à la révolte du Dr Frédéric Chaussoy

01.11.2015

Lui-même mis en cause après le décès de Vincent Humbert en 2003, le Dr Frédéric Chaussoy, témoin lors des deux procès du Dr Nicolas Bonnemaison, lance un appel à la mobilisation des médecins contre la justice inhumaine de l’Ordre qui a « cassé » son confrère. 

« Je suis révolté ! », s’exclame le Dr Chaussoy, sous le coup de l’émotion au lendemain de la tentative de suicide du Dr Nicolas Bonnemaison, hospitalisé en réanimation au CHU de Bordeaux, avec un pronostic vital engagé. La seule victime de l’affaire Bonnemaison, c’est Bonnemaison lui-même. Victime non pas tant de l’acharnement de la justice, mais de cet Ordre des médecins, départemental et national, qui lui a retiré avec sa blouse blanche sa raison de vivre. »

« Cassé par la justice ordinale »


Pour l’ancien réanimateur de Berck, aujourd’hui praticien à l’hôpital de Saint-Tropez, Nicolas Bonnemaison « a été cassé par la justice ordinale. Même si ils avaient pu lui reprocher d’avoir écorné les articles 37-38 du code de déontologie, les juges ordinaux, droits dans leurs bottes, n’ont même pas demandé à la justice la communication du dossier d’instruction, ils ont prononcé une radiation définitive à partir des coupures de presse. Aujourd’hui, j’ai honte d’être affilié à cette structure répressive dépourvue d’humanité et de compassion. Ils se lavent les mains. J’espère qu’ils peuvent encore se regarder dans la glace. »

Les Drs Chaussoy et Bonnemaison avaient noué une relation amicale à l’occasion du procès de Pau, en 2014, leurs affaires respectives les ayant rapprochés. « Tous deux nous avons été blanchis en première instance, la condamnation de Nicolas en appel ayant surtout été symbolique : la peine de deux ans avec sursis devait même ne pas figurer sur son casier judiciaire. Les avocats généraux, lors des deux procès, n’avaient émis aucune réserve sur la poursuite de l’exercice. C’est l’Ordre qui l’a cassé. »

« C'est l'Ordre qui l'a cassé »

Jeudi soir, Nicolas Bonnemaison avait appelé Frédéric Chaussoy pour lui faire part de son projet d’écrire, comme l’anesthésiste de Berck, un livre-témoignage*. « Il m’avait demandé des renseignements sur mon éditeur et il avait besoin du texte de mes interventions devant ses juges. Il était combattif et voulait regarder l’avenir malgré la radiation, les problèmes financiers, avec 30 000 € à verser au civil (une condamnation pour laquelle il avait fait appel). »

« J'ai subi cette même pression médiatique »


Que s’est-il passé vendredi pour entraîner un passage à l’acte semble-t-il imprévisible la veille, s’interroge le Dr Chaussoy ? «  Pour avoir vécu des moments semblables, j’ai subi cette même pression médiatique omniprésente. Pendant des semaines, votre nom est matraqué sur toutes les antennes. Et même quand vous vous protégez de la déferlante médiatique, votre vie familiale finit par être impactée. On est rongé par le doute, harcelé sans relâche, ça vous mine, ça vous mène au bord du trou. »

« Nicolas Bonnemaison a cher payé. On a dit qu’il était un médecin trop compassionnel. Mais dans un monde de brutes, la sensibilité doit-elle être impardonnable ? », interroge le Dr Chaussoy.

La suite des événements sera conditionnée par l’issue médicale. «  Bien entendu, l’Ordre se barricade dans son mutisme, s’emporte Frédéric Chaussoy, mais nous ne pourrons pas attendre le délai de trois ans qui est réglementairement prévu pour réexaminer une radiation. Le geste de Nicolas est un fait nouveau. On en a marre de ces instances ordinales qui se croient au-dessus de la justice des hommes. Tous les médecins sont bouleversés, il faut maintenant qu’ils se mobilisent massivement, en confrères ! »

Propos recueillis par Christian Delahaye
* « Je ne suis pas un assassin », préface de Bernard Kouchner. 

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