jeudi 8 octobre 2015

« The Visit » : épouvantable visite chez les grands-parents

LE MONDE |  | Par 


L’avis du « Monde » – à voir
Après l’échec commercial et critique d’After Earth (2013), M. Night Shyamalan s’est visiblement attelé à un projet dont la modestie apparaît autant comme un choix d’économie de production que comme la volonté d’aborder un type de représentation renvoyant à une forme familière.

Le film de famille amateur hante, en effet, The Visit, comme un modèle dont il faudrait dévoiler la nature profondément perverse et sombre. De quoi sont faites les familles ? Les admirateurs de l’auteur de Sixième sens (1999) y retrouveront sans doute un goût pour le coup de théâtre, le «  twist », qui inverse in fine les situations, qui plonge dans la terreur un spectateur découvrant qu’il a été dupe des apparences tout autant que conditionné par ses propres réflexes.


Journal filmé


Le nouveau film de M. Night Shyamalan choisit le principe, déjà largement éprouvé, du récit à la première personne. Aux premières personnes, pourrait-on dire, car les caméras sont tenues ici par deux adolescents qui réaliseraient le journal filmé de ce qui leur arrive. Journal filmé dont on serait amené à visionner le résultat. Ce parti pris du found footage, dont l’épouvante cinématographique contemporaine a fait un usage à ce point excessif qu’il en est devenu dérisoire, a souvent pour qualité d’accentuer un surcroît de réalité chez le spectateur, donc de frayeur.



Peter McRobbie, Ed Oxenbould et Deanna Dunagan dans le film américain de M. Night Shyamalan, "The Visit".


Becca et Tyler sont deux adolescents envoyés par leur mère chez les parents de celle-ci. Ils ne les ont jamais rencontrés, cette visite constituant une étape possible vers une réconciliation entre ceux-ci et leur fille, avec laquelle ils sont brouillés depuis des décennies. Le film prendrait aisément l’allure apaisante d’une parenthèse un peu mièvre (le séjour à la campagne de deux gamins surdoués et inventifs, accueillis par un couple de vieillards aimables et aimants), si une succession d’événements étranges, tout d’abord anodins, ne survenait pas progressivement.


Dérèglement d’une réalité


The Visit est construit sur le modèle du dérèglement d’une réalité qui, insensiblement, se détraque. Cette entropie des événements est tout d’abord celle d’une détérioration physique et mentale. Les deux grands-parents donnent des signes, tout d’abord insignifiants puis très vite inquiétants, de fragilité, de sénilité, de folie progressive, et l’on passe insensiblement du film amateur au conte de fées cruel. Le moteur du récit est celui d’une peur somme toute banale et partagée, celle de la vieillesse et de ses effets sur le corps et l’esprit des individus. Petit à petit, les grands-parents vont devenir des figures menaçantes et incontrôlables, créatures banales de home movie devenues monstrueuses. Le coup de théâtre qui ne manquera pas de survenir inversera toutes les perceptions d’un spectateur pourtant échaudé.

Petit à petit, les grands-parents vont devenir des figures menaçantes et incontrôlables



Pour Becca (Olivia DeJonge), les vacances vont tourner au cauchemar.


Mais The Visit est surtout un film sur le trauma. Le père de Becca et Tyler a quitté femme et enfants il y a de nombreuses années, et les rejetons dissimulent derrière leur intelligence joyeuse et créative les symptômes d’un choc dû à cet abandon, dont ils ne se sont pas vraiment remis. La désintégration physique et morale des grands-parents est une projection consécutive au malaise déclenché par l’absence d’une figure paternelle que l’on ne verra pas vieillir. L’épouvante qui nourrit la dernière partie du film devient ainsi une épreuve cathartique destinée symboliquement à permettre aux protagonistes de dépasser le traumatisme d’origine et de surmonter les phobies qui les paralysent.

On peut sans doute reprocher à M. Night Shyamalan l’artificialité d’une conclusion si consolante, rappelant à quel point Hollywood fit de la psychanalyse un usage réconfortant et fonctionnaliste. 

Si The Visit peut néanmoins être tenu pour une réussite, c’est dans la façon dont le film fonde son régime de peur sur une réalité humainement banale.

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Film américain de M. Night Shyamalan avec Kathryn Hahn, Peter McRobbie, Deanna Dunagan, Olivia DeJonge, Ed Oxenbould (1 h 34). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/the-visit et www.thevisit-lefilm.com



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