mardi 15 septembre 2015

Quand les psychiatres doivent affronter l’échec et la mort

08/09/2015

« Pendant un instant, j’imaginais que ses parents l’ont tenue pour la première fois, voilà plus de 80 ans. Je sentais mon propre pouls, mais pas le sien. » Trente minutes auparavant, la journée à l’hôpital du Dr Markus Donix avait pourtant « commencé comme d’habitude », dans le département de psychiatrie de l’hôpital universitaire de Dresde (Allemagne). Mais un infarctus aigu du myocarde survient chez une malade admise la veille pour un état dépressif, et le confronte soudain à l’échec et à la mort. S’appliquant en vain à tenter un massage cardiaque, il songe alors à « la façon dont une vie commence et se termine. » Malgré tous ses efforts et ceux des urgentistes à ses côtés, la vieille dame meurt, et d’autres défis attendent alors le médecin : informer le fils de l’intéressée du décès de sa mère, et verbaliser autour de cet échec médical et de cette mort avec une étudiante en médecine, submergée par ses émotions au point d’éclater en sanglots, car elle n’avait encore « jamais vu quelqu’un mourir et ne savait pas quoi faire. »

 Bien que les malades mentaux connaissent un taux élevé de mortalité, « la perte d’un patient à l’hôpital est une situation que les psychiatres doivent rarement affronter » commente l’auteur qui note également que si des réunions de « debriefing » sont certes instituées après le suicide d’un patient, ce n’est généralement pas le cas après une tentative infructueuse de réanimation. Et même quand cette pratique (très recommandable) existe, les participants se bornent le plus souvent à évoquer des considérations techniques sur les procédures de réanimation, « plutôt que le choc émotionnel » affectant le personnel soignant et d’autres patients, témoins du décès survenu dans le service.
Le Dr Donix nous incite à « être conscients des tragédies multiformes » pouvant nous toucher, et rappelle que « la manière dont elles résonnent en nous influence notre propre santé mentale et nos décisions », car notre faculté d’analyser nos propres émotions a une forte incidence sur les relations à nos patients. Parfois même, conclut l’auteur, nous pouvons « penser à faire une pause pendant un moment pour réfléchir à ce que nous ressentons. » Cela contribue au développement de l’apprentissage de « la médecine qui consiste à soigner des patients, et non à se contenter d’interagir avec des maladies. »
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Donix M : We should talk about this. Am J Psychiatry, 2015; 172: 7, 614–615.

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