mardi 1 septembre 2015

Les psychiatres à l’heure du dossier médical informatisé

28/08/2015

"Fini le temps où les psychiatres prenaient des notes manuscrites ou écoutaient leurs patients sans prendre aucune note" rappellent des praticiens exerçant en Californie, dans un article consacré à “la formation des psychiatres à l’heure du dossier médical informatisé.” S’imposant progressivement aux professionnels, ce type de dossier suscite toutefois certains reproches. Il peut notamment “interférer avec la qualité de la relation médecin-malade” et, paradoxalement, “diminuer la précision et la pertinence des dossiers médicaux.” Il est en effet difficile de se consacrer pleinement à l’entretien en cours, s’il faut simultanément rédiger le compte-rendu de cette consultation sur son ordinateur. Et surtout, le risque est grand que celui-ci constitue un écran contre l’empathie indispensable à l’égard du patient : “Pour le professionnel, l’ordinateur peut servir de point d’ancrage, un moyen de garder le contrôle de l’entretien et de ne pas omettre des questions importantes, mais il crée aussi une barrière contre la douleur et la souffrance du patient” : au lieu de l’observer, pour s’efforcer de repérer ses affects, le psychiatre tend à “regarder son écran.”

Cocher des cases appropriées

En contribuant à tenir le médecin à l’écart de cette souffrance, le dossier informatisé peut ainsi compromettre une nécessaire “chaleur humaine” en la remplaçant par la froideur mécanique du clavier d’ordinateur. Et il y existe surtout une “différence entre transcrire les paroles du patient et être à l’écoute de ses paroles.” Devant normalement s’inscrire dans cette priorité de l’écoute, l’entretien risque d’être bousculé par l’intrusion du dossier électronique : “Poser des questions à l’aide d'un support informatique crée une atmosphère dans laquelle le patient peut ne pas se sentir à l’aise d’exprimer ses pensées et ses sentiments intimes, sachant qu’ils sont aussitôt saisis dans un dossier.” Les auteurs craignent que le psychiatre “croit avoir fait son travail” quand il s’est contenté de “cocher les cases appropriées” sur un canevas d’entretien prédéfini par un traitement de texte. Surtout, la (bonne) conduite d’un entretien ne s’improvise pas, que la prise de notes soit immédiate ou différée, manuelle ou informatisée : “De quelle façon et à quel moment le psychiatre doit faire une pause pour prendre une note, sur papier ou sur ordinateur, exige une réflexion et une formation” appropriées.
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Sonya Rasminsky et coll.: Are we turning our backs on our patients? Training psychiatrists in the era of the electronic health record. Am J Psychiatry, 2015; 172: 8: 708–709.

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