mardi 4 août 2015

Eté 1981 : Le jour où un rouge est devenu ministre des blouses blanches...

03.08.2015

Surprise, incidents, gaffes ou divergences… La vie n’est pas un long fleuve tranquille quand on est ministre de la Santé. Pendant l’été, legeneraliste.fr revient sur les histoires des plus marquantes, qui ont parfois valu une place ou coûté un poste à certains locataires de l’avenue de Ségur. Aujourd’hui, la machine à remonter le temps nous amène 35 ans plus tôt pour évoquer la nomination de Jack Ralite, un des quatre ministres PC de François Mitterrand… 

Couacs avenue de Ségur (1) - Eté 1981 : Le jour où un rouge est devenu ministre des blouses blanches...-1

Etait-ce pour se tenir les coudes ? Ou pour montrer qu’il faudrait compter avec eux ? Ce 24 juin 1981, les quatre nouveaux ministres communistes avaient fait en sorte d’arriver ensemble dans la cour de l’Elysée. A eux seuls, ils étaient bien l’attraction de ce premier conseil des ministres du gouvernement Mauroy 2. Et pour cause : cela faisait plus de 35 ans qu’il n’y avait pas eu de communistes dans un gouvernement français ! Et le contexte international ne portait guère à l’oecuménisme : en 1981, la crise des euromissiles est loin d’être résolue entre l’Ouest et l’Est… et le PC a bien du mal à choisir son camp.

Autant dire que la droite en France, mais aussi les Etats-Unis s’inquiétèrent bruyamment de l’arrivée de ces ministres pas comme les autres. Le casting avait donc été longuement négocié entre Matignon et la place du Colonel Fabien. Pas question de leur lâcher un poste régalien ! Et la surprise vint de la santé parmi les maroquins obtenus. Et du nouveau locataire de l’avenue de Ségur aussi : Jack Raliteancien journaliste à l’Huma, député, adjoint au maire d’Aubervilliers, et plus connu pour être un spécialiste de la culture que de la santé.


L’intéressé semblait lui-même le premier étonné de cette promotion. Il l’a rappelé sur France 5 longtemps après cette aventure : « Cela s’est passé au siège du PC. Charles Fiterman était en train de négocier avec Pierre Mauroy. A un moment, on nous a dit que les négociations allaient aboutir et que l’on faisait une pause. Je suis alors allé retrouver un copain quand une responsable du bureau politique est venue me chercher pour me demander de me rendre au bureau de Georges Marchais. Je me suis dis : "Tiens, qu’est-ce qu’il me veut à un moment pareil ?" J’y suis allé, j’ai attendu dans le bureau de la secrétaire et au bout d’un quart d’heure Georges Marchais est sorti et m’a dit "Bonjour monsieur le ministre de la Santé". » Pour le nouveau ministre des médecins, la partie n’était pas gagné d’avance : « Je n’avais jamais pensé que je pourrais être ministre un jour ! (…) Après je me suis posé des questions sur mes propres compétences. La santé était un domaine pour lequel j’avais de la sympathie mais j’aimais beaucoup plus les questions de culture. J’ai appris plus tard que la direction du parti avait suggéré mon nom pour la culture mais que le poste était déjà pris par Jack Lang... »

Ralite nommé, il devait fonctionner en tandem avec Nicole Questiaux, la nouvelle ministre de la Solidarité passée à la postérité pour avoir affirmé : « je ne serai pas le ministre des comptes ! ». Ambiance… A ses côtés, puis ceux de Pierre Bérégovoy, le nouveau ministre tentera rapidement de prendre le pouls du secteur en s’organisant un tour de France en 21 étapes, au cours duquel à chaque fois un nouveau thème était abordé. Il nommera un DGS communiste (le Pr Jacques Roux) mais tentera de s’épauler de toutes les compétences au sein de son cabinet : « Je me suis attaché à m’entourer de globules blancs, de globules rouges et de globules bleus. Je ne voulais pas d’un cabinet homogène du point de vue politique, car le pluralisme ne s’invente pas, il faut qu’il soit vivant à l’endroit où les décisions sont prises, » racontera-t-il en 2013 à l’Humanité. On lui doitla création des départements dans les hôpitaux. Et quelques tentatives sur le secteur privé à l’hôpital qui lui valurent rapidement l’hostilité des mandarins. Mais pour le reste, pas de grosses révolutions. Principale audace des 110 propositions de François Mitterrand, la suppression de l’Ordre des médecins ne fut jamais appliquée. Ni par lui, ni par ses successeurs…

Les meilleures choses ayant une fin, l’aventure des ministres communistes se termina comme elle avait commencé : c’est le PC qui, à l’été 1984, sonna la fin de récréation et rapatria ses ministres. Celui de la Santé ne laissa pas finalement un si mauvais souvenir au corps médical… « Quel est ce ministre communiste qui séduit les médecins ? » s’interrogeait même la presse d’opposition ? Pour la petite histoire, on retiendra que Jack Ralite fut pourtant le seul des quatre de 1981 à être resté fidèle sa vie durant au PC, qui aujourd'hui encore demeure toujours son parti. Depuis, il a aussi refusé quatre fois la légion d’honneur. On ne se refait pas…


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