samedi 1 août 2015

À Boulogne-sur-Mer, le directeur refuse par souci éthique de laisser l'accès aux dossiers médicaux

30/07/15

Faut-il permettre aux commissaires aux comptes d'accéder aux dossiers patients ? Brandissant le Code de la santé publique, deux directeurs, à Boulogne-sur-Mer et Tourcoing, ont refusé d'agir de la sorte "dans le respect des règles de déontologie médicale". Résultat : ils ont tous deux écopé d'une réserve. Un groupe de travail s'annonce à la DGOS.
Parmi les trente-et-un hôpitaux soumis l'an dernier à la première vague de la certification des comptes, le CH de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a certes été certifié mais avec deux réserves par le cabinet d'audit PWC. D'une part, "les travaux d'inventaires physiques des immobilisations n'étant pas achevés, nous ne sommes pas en mesure de valider l'existence des actifs mobiliers figurant à l'actif", glisse PWC dans son rapport de certification. D'autre part, "en raison de la réglementation en matière de secret médical, nous n'avons pas pu effectuer de rapprochements entre la codification des actes médicaux facturés et les dossiers des patients", ajoute le cabinet. Raison pour laquelle ce dernier n'a pu vérifier cette étape du processus de facturation. Si en soi la première réserve reste somme toute "technique", sachant que plus de 70% des immobilisations sont fiabilisées, la deuxième révèle en revanche un questionnement loin d'être aussi anodin. Comme il le confie àHospimedia, le directeur de l'établissement, Yves Marlier, a refusé par souci éthique d'accorder au certificateur un accès au contenu des dossiers médicaux. D'où cette impossibilité de contrôler la qualité du codage.

 Extrait du Code de la santé publique qui encadre l'accès aux dossiers patient
Extrait du Code de la santé publique qui encadre l'accès aux dossiers patient

Une démarche "illégale" et "peu efficiente"

Motif invoqué par le directeur : l'article L1112-1 du Code de la santé publique. "Dans le respect des règles de déontologie médicale", ce dernier restreint en effet l'accès aux informations médicales aux seuls médecins membres de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), médecins inspecteurs de santé publique, inspecteurs de l'ARS ayant la qualité de médecin et médecins conseils des organismes d'assurance maladie. Ce questionnement, Yves Marlier l'a d'ailleurs soulevé le 24 février par courrier à Sandrine Pautot, responsable du projet certification des comptes des établissements de santé à la DGOS. "Pour conduire ses diligences, le commissaire aux comptes demande à avoir accès au contenu des groupes homogènes de séjour (GHS) pour s'assurer de l'adéquation entre la codification des actes et les données médicales. Au-delà du caractère illégal de la demande, la mise en œuvre d'un tel procédé me semble peu efficiente". Et de juger "souhaitable" que le périmètre d'intervention des commissaires aux comptes se limite aux processus de facturation et exclue toute possibilité d'accéder aux données médicales.
"L'anonymisation d'un échantillon représentatif sur 70 000 séjours, satisfaisante d'un point de vue légal, nécessiterait une mobilisation à temps complet du Dim sur plusieurs semaines, ce qui n'est pas envisageable."
Yves Marlier, directeur du CH de Boulogne-sur-Mer
Outre le Code de la santé publique, le directeur du CH de Boulogne-sur-Mer avance trois autres arguments. Selon lui, "l'anonymisation d'un échantillon représentatif sur un volume de 70 000 séjours annuels, si elle était satisfaisante d'un point de vue légal, nécessiterait une mobilisation à temps complet des ressources du département d'information médicale (Dim) sur plusieurs semaines, ce qui n'est pas envisageable". Par ailleurs, l'intérêt de prendre connaissance du contenu d'un dossier médical pour apprécier la pertinence du codage des actes relève du médecin conseil de l'Assurance maladie lors des contrôles T2A, insiste Yves Marlier. Enfin, "l'analyse et l'audit du processus "produits de l'activité", tels que décrit par la DGOS et la Direction générale des finances publiques (DGFIP) dans les "cartographies type du cycle de recettes" sont parfaitement légitimes, ajoute l'intéressé. Cette méthodologie d'audit a déjà pu être expérimentée par la Cour des comptes dans l'élaboration de ses rapports sur la gestion des hôpitaux sans immiscions au sein des dossiers médicaux."

Pour l'heure, aucun arbitrage ministériel n'est parvenu aux oreilles d'Yves Marlier mais un groupe de travail piloté par la DGOS et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) a récemment vu le jour et devrait débuter ses travaux à la rentrée (lire l'interview en partie 3). Toujours est-il que si à Boulogne-sur-Mer le directeur a préféré la réserve à passer outre son devoir déontologique, comme d'ailleurs son homologue Didier Nonque au CH de Tourcoing (Nord), les vingt-neuf autres hôpitaux soumis à certification ne semblent pas avoir fait autant de cas de cette interrogation.
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