mercredi 8 juillet 2015

Maladies mentales : la classification DSM-5 en VF

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO |  | Par 
Les anti-DSM auraient-ils rendu les armes ? Au printemps 2013, au moment de la publication de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), édité par l’Association américaine de psychiatrie, le monde de la psy était en effervescence. Nombre de voix discordantes s’étaient élevées – sous forme de pétitions, appels au boycott, livres grand public… – pour dénoncer un ouvrage «  dangereux  », qui fabrique des maladies mentales et incite à consommer des médicaments. En France, le combat était porté en particulier par Stop DSM, un collectif de professionnels proches du milieu psychanalytique s’insurgeant contre la « pensée unique » du manuel.

Le DSM-5, traduit en français en juin 2015.

Disponible depuis le 17 juin, la traduction française (un pavé de 1 176 pages, vendu 139 euros par Elsevier-Masson) n’a pas fait de vagues. Les jeunes psychiatres ont « adopté » cette nouvelle classification, selon Le Quotidien du médecin. Dans un communiqué, Stop DSM a réaffirmé son «  opposition radicale aux fondements et à l’utilisation de ce manuel  », appelant à préférer les classifications françaises. Le message a été peu diffusé, mais le psychiatre et psychanalyste Patrick Landman, fondateur de ce mouvement, se dit toujours mobilisé. « Nous allons organiser des débats publics, et bientôt publier un livre critique avec Allen Frances [médecin américain coordonnateur du DSM-IV et opposant au DSM-5]  », promet-il.
Mais qu’est-ce au juste que ce manuel, et quelles sont les particularités de cette nouvelle édition, la cinquième depuis 1952 ?


Aide à la conceptualisation


«  Ce n’est pas une bible, mais une aide à la conceptualisation, qui permet aux professionnels de tous les pays de parler un langage commun, estime Marc-Antoine Crocq, psychiatre à l’hôpital de Rouffach (Haut-Rhin) et l’un des directeurs de l’équipe de traduction du DSM-5. C’est le meilleur outil de réflexion clinique que l’on ait. Des centaines d’experts y ont contribué, s’appuyant sur une revue exhaustive de la littérature. »

Cette classification est utilisée principalement par les professionnels des maladies mentales dans la pratique quotidienne, l’enseignement et la recherche clinique.
Parmi les nouveautés de ce DSM (paru près de vingt ans après le précédent, édité en 1994 et révisé en 2000), un chapitre consacré aux troubles neurodéveloppementaux – auxquels appartiennent par exemple les troubles du spectre autistique. «  Le jeu pathologique fait partie des nouveaux diagnostics du DSM-5, c’est l’une des rares addictions sans substance, note le docteur Crocq. En revanche, l’usage pathologique des jeux sur Internet a été retenu pour des études supplémentaires, mais pas pour la classification.  »

Le psychiatre souligne aussi l’apparition d’échelles dimensionnelles prenant en compte la sévérité des troubles, dans la schizophrénie par exemple. «  Depuis le DSM-III (1980), un effort constant est fait pour déterminer des seuils de significativité, et éviter ainsi des diagnostics excessifs. En effet, beaucoup de symptômes, comme l’anxiété, des déficits de l’attention, peuvent ne pas être pathologiques  », précise-t-il.


Plus modeste que prévu


Les marqueurs génétiques et biologiques et l’imagerie médicale, qui prennent une place croissante dans la recherche sur les maladies neuropsychiatriques, ont en revanche une place encore limitée dans le nouveau manuel, beaucoup plus modeste que prévu. «  Le DSM-5 reste une classification essentiellement clinique, car les causes ultimes des maladies mentales sont encore mal connues. Il est trop tôt pour faire entrer des critères biologiques à l’échelle de l’individu  », dit Marc-Antoine Crocq.

De leur côté, les Instituts nationaux de la santé (NIH) américains, qui se sont désolidarisés du DSM-5 en 2013, le jugeant faible sur le plan scientifique, financent une autre classification. Destiné surtout aux chercheurs, ce projet, appelé Research Domain Criteria (RDoC), intégrera largement les données des neurosciences.

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