dimanche 5 juillet 2015

C'est arrivé le 28 juin 1824 Naissance de Paul Broca

28.06.2015


Pionnier de l'exploration du cerveau humain et fondateur de l'anthropologie, Paul Broca est, sans conteste, l'une des grandes figures de la médecine du XIXe siècle.

Le futur grand neuro-anatomiste est né en plein coeur du vignoble bordelais, à Sainte-Foy-la-Grande, dans une famille calviniste. Son grand-père avait été maire de Bordeaux sous la Révolution alors que son père après avoir participé aux campagnes napoléoniennes comme chirurgien des armées avat fini sa carrière comme médecin de campagne. On le surnommait "quoy ré" à cause de la formule dont il gratifiait volontiers son patient et qui signifiait, en patois, "ce n'est rien". Paul Broca, qui accompagnait souvent son père dans ses tournées, prit sans doute goût à la médecine à cette occasion.

Enfant prodige

Paul Broca est un réel enfant prodige obtenant simultanément un baccalauréat en littérature, mathématique et physique dès l'âge de seize ans. Durant ses loisirs, curieux de l'origine de la race humaine, il ne cesse de faire des recherches dans les anciens habitats de Dordogne alors que Boucher de Perthes vient de trouver ses premiers outils de pierre taillée.

Agé de 17 ans, donc, Broca se destine à faire Polytechnique mais des événements familiaux vont bouleverser ses plans. Traumatisé par la mort de sa soeur ainée, Léontine, le père de Broca demande, en effet, à son fils de devenir médecin et de reprendre sa clientèle. Plutôt que de poursuivre ses études à Bordeaux, tout proche, Broca préfère monter à Paris où il réussit à obtenir son diplôme de docteur à 20 ans, l'âge où ordinairement, à l'époque, on commençait ses études de médecine ! Certes, il n'a été reçu à l'internat que 37e sur 38, mais l'exploit mérite d'être noté.

Achat d’un microscope avec la première paie d’interne

Son premier poste est dans le service de François Leuret à Bicêtre, puis dans le service Langier à l'hôpital Beaujon, enfin dans le service de Pierre Nicolas Gerdy anatomiste physiologiste et chirurgien. Il passe sa quatrième année d'internat avec Philippe-Frédéric Blandin à l'Hôtel-Dieu. Sa première paye d'interne - 200 francs - va passer dans l'achat d'un microscope, ce qui montre déjà son goût pour la recherche. Broca affirme déjà durant ses années d'internat un caractère bien trempé s'élevant, par exemple, contre les règlements imposés par les directeurs d'hôpitaux qui interdisent les visites féminines : "…voilà les internes assimilés à des bambins de 7 ans… cette exclusion frappe les mères et les soeurs."

Le 16 avril 1849, Broca soutient sa thèse consacrée à "la propagation de l'inflammation. Quelques propositions sur les tumeurs dites cancéreuses". À peine âgé de 29 ans, voilà déja, en 1853, Broca agrégé et chirurgien des hôpitaux. Mais son microscope ne l'a jamais abandonné et il démontre, la même année, que la maladie de Duchenne n'est pas neurologique mais musculaire. Toujours muni de son microscope, le médecin girondin va démontrer, pionnier en la matière, que les cellules cancéreuses peuvent pénétrer par effraction dans les veines et les lymphatiques, expliquant ainsi la dissémination métastatique. Il avait d'ailleurs déjà écrit dans sa thèse que "toute observation de cancer non soumise à l'observation du microscope doit être considérée comme non avenue". Ce travail sur les cellules cancéreuses lui vaut le prix Portal de Médecine. Le mémoire de 600 pages a été rédigé en un temps record et remis à l'Académie à minuit moins cinq , cinq minutes avant l'heure limite de remise des dossiers...

Fondateur de l’anthropologie

Parallèlement, l'hypnose comme technique d'anesthésie était une idée qui commençait à faire son chemin en Europe et, précurseur là encore, Broca pratique à l'hôpital Necker une opération sous anesthésie hypnotique dont il rend compte devant l'Académie des Sciences le 5 décembre 1859 avec son collègue Eugène Azam.
Mais ce qui passionne avant toute chose Broca, c'est le fonctionnement du cerveau et, au-delà, l'extraordinaire "odyssée de l'espèce humaine". Il fonde ainsi la Société d'Anthropologie de Paris en 1859 (non, sans peine : elle ne pouvait comporter que 19 membres, la police de l'Empire prohibant les associations de 20 personnes ou plus, interdisant d'y parler de religion ou de politique et imposant la présence, à chaque séance d'un officier de police), la Revue d'anthropologie en 1872 et l'École d'anthropologie de Paris en 1876. Il fait avancer l'anthropométrie craniale en développant de nouveaux instruments de mesure et de nouveaux indices numériques.

Le "centre de la parole"

Mais, si l'on se souvient de Broca, aujourd'hui, c'est bien sa découverte du « centre de la parole » dans le cerveau (connue maintenant comme l'aire de Broca) situé dans la troisième circonvolution du lobe frontal. Le neuro-anatomiste va dévoiler en 1861 ses conclusions sur le langage et sa localisation ou non dans le cerveau dans une séance de la Société d'Anthropologie de Paris restée célèbre. Broca présenta le cas, pour étayer ses théories, de monsieur Leborgne, ancien formiste dans une fabrique de chapeaux, qu'il avait accueilli dans son service de chirurgie de l'hôpital Bicêtre pour un abcès gangréneux de la jambe. Broca s'était intéressé au trouble du langage que présentait le patient indépendamment de son phlegmon. En effet, Leborgne qui n'était affecté d'aucune paralysie des muscles bucco-phonateurs et qui ne présentait aucun trouble de la compréhension verbale, ne pouvait plus prononcer qu'une seule syllabe : "tan" qu'il répétait généralement deux fois, d'où son surnom dans l'hospice, "tan-tan". Broca avait pratiqué une autopsie du cerveau de Leborgne à la mort de ce dernier et constata une importante lésion syphilitique de l'hémisphère gauche au niveau du lobe frontal, en concluant que cette lésion était à l'origine de la perte de la parole. une lésion de la troisième circonvolution frontale gauche. L'aire de Broca était découverte. La neuropsychologie était née ainsi que le terme d’aphasie, imposé par le puissant Trousseau au détriment d'aphémie préféré par Broca.

Pionnier, Paul Broca l'est encore dans le domaine de l'imagerie cérébrale fonctionnelle en inventant une "couronne thermométrique" avec laquelle il pensait pouvoir mesurer les variations de température de la surface du crâne dues à des changements de l'activité du cerveau. Dans une publication de 1861 pour le Bulletin de l'Académie de Médecine, il relate ainsi que lorsqu'on fait exécuter une tâche exigeant de la concentration à un participant, on mesure une augmentation de la température du crâne au niveau des lobes frontaux.

Après avoir été directeur de l'Assistance Publique et être devenu sénateur à vie grâce à l'appui de ses amis de la gauche républicaine, Broca mourut, brusquement, le 9 juillet 1880, d'une rupture d'anévrisme, sans avoir réussi à convaincre ses collègues sénateurs d'ouvrir l'enseignement supérieur aux femmes et après s'être opposé à Monseigneur Dupanloup qui pensait que l'éducation des femmes devait se faire "sur les genoux de l'église"...

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