vendredi 3 juillet 2015

Appel des médecins hospitaliers pour sortir l’hôpital public de la crise

04/07/2015


Paris, le samedi 4 juillet 2015 – L’arrivée de François Hollande au pouvoir était attendue par beaucoup au sein des hôpitaux publics, la loi Hôpital patient santé territoire (HPST) ayant été ressentie comme un affront majeur. Les premières heures de Marisol Touraine avenue de Ségur auraient pu conforter les espoirs du monde hospitalier : elle multiplia les déclarations d’amitié à son intention et accumula les promesses. Trois ans plus tard, la déception est grande. Si certaines mesures ont bien été adoptées, les praticiens hospitaliers n’ont pas le sentiment d’une rupture franche avec les réformes successives et qui ont abouti à une emprise démesurée de la logique financière et à la mise en œuvre d’une politique managériale déconnectée des enjeux médicaux. Parallèlement à cette action trop timide pour restaurer l’hôpital public et le libérer de ses démons, l’objectif du gouvernement de réaliser dix milliards d’économie dans le secteur de la santé, dont trois milliards doivent être supportés par les hôpitaux attisent les inquiétudes. Dans les établissements où les budgets sont déjà fréquemment dans le rouge et où certains doivent se débattre avec les conséquences des emprunts toxiques, ces impératifs économiques sont synonymes d’une nouvelle rigueur. En la matière, les dénégations du gouvernement quant à la diminution des effectifs ne sont pas parvenues à convaincre. Par ailleurs, la multiplication des « décisions de fermeture d’unités de médecine ou de SSR » dénoncée récemment par la Fédération hospitalière de France (FHF) ne peut que renforcer l’inquiétude et le malaise d’équipes, en proie à des tensions de plus en plus vives, tandis que l’organisation souvent ubuesque du temps de travail accroit encore les difficultés.

Face à cette situation, cinq cent praticiens hospitaliers lancent un "appel pour sortir de l’hôpital public de la crise"  que nous dévoilons ici. On constatera qu’outre une légère attaque vis-à-vis de la médecine de ville (qui n’assurerait pas de façon satisfaisante les soins de premier recours), et un esprit général appelant à une politique de bon sens où l’activité hospitalière ne serait plus la victime d’une volonté de morceler à tout crin, certaines des solutions, notamment financières, prônées par ces praticiens rejoignent celles du gouvernement et des pouvoirs publics par ailleurs décriés pour leur incapacité à prendre les mesures adaptées et se contentant d’empiler les réformes inutiles et néfastes. Ainsi, l’accroissement du générique ou la réforme des transports sanitaires sont des pistes d’économie privilégiées par le gouvernement comme par les praticiens hospitaliers. Elles sont cependant considérées comme insuffisantes par les décideurs publics pour atteindre les objectifs fixés.
Les hôpitaux publics connaissent une double crise,  une crise de financement, et une crise d’adaptation  au progrès de la médecine et aux changements des  besoins des patients.
La crise financière est due à la volonté des gouvernements successifs de contraindre un peu plus chaque année le budget hospitalier. Ce sont 3 milliards d’économie  qui sont à nouveau demandés aux hôpitaux d’ici 2019. Les directeurs d’hôpitaux en déficit devront  prendre les mesures nécessaires pour assurer le retour à l’équilibre : geler les investissements , supprimer des activité non rentables, réduire les emplois, utiliser de plus en plus des personnels sous contrats temporaires et  demander aux personnels sous statut de travailler plus sans gagner plus, alors même que la «  productivité » hospitalière a augmenté selon les sources officielles de 2% par an depuis 2003 et que des journées travaillées et non payées s’accumulent sur des comptes épargne-temps.

Penser l’activité hospitalière dans sa globalité

La crise de mutation est la conséquence du progrès médical et de l’épidémie de maladies chroniques. Le progrès  des prises en charge hospitalière  ambulatoire de moins d’une journée ou d’hospitalisations brèves intensifie le travail des soignants qui doivent en faire toujours plus, toujours plus vite. Le raccourcissement du temps de séjour  hospitalier nécessite une parfaite coordination entre la ville et l’hôpital et au sein de l’hôpital entre les professionnels médicaux et non médicaux. Toute activité médicale hospitalière nécessite de penser et d’organiser l’amont et l’aval, l’avant et l’après. C’est parce qu’on n’a pas su construire un  service public de la médecine de proximité assurant la permanence des soins qu’il y a 20  millions de passage aux urgences par an. Et c’est le défaut d’aval des urgences qui explique le temps passé par les urgentistes à « trouver un lit ». De même le vieillissement de la population et l’augmentation épidémique des maladies chroniques nécessitent  une médecine globale de la personne où le patient et / ou son entourage deviennent des partenaires de soins. Là encore, l’hôpital se retrouve trop souvent en première ligne,  sans coordination satisfaisante avec les soignants exerçant en ville. Le cloisonnement des soins entre la ville et l’hôpital et au sein de l’hôpital lui-même a été aggravé  par les réformes décidées depuis 15 ans : mise en place des 35 heures hebdomadaires inapplicable faute d’embauches suffisantes et ayant entraîné l’octroi de jours de repos supplémentaires (RTT) variable selon les établissements, tarification à l’activité (T2A) conduisant à une recherche permanente d’augmentation des  activités « rentables »  et suscitant des pratiques égoïstes non coopératives, mise en place d’une « gouvernance d’entreprise  verticale » et d’un « management » d’inspiration taylorienne, obsédés par la fragmentation des tâches et par  la « flexibilité » des personnels. Tout doit désormais être quantifié et mesuré. Le temps « administratif » dévore le temps soignant, transformant un travail choisi en un exercice subi.

Perte de sens

Ces réformes mettant en œuvre « l’hôpital-entreprise » entraînent une perte de sens du métier de soignant et sont responsables de l’amertume et de la démotivation que beaucoup ressentent. Adaptées aux gestes techniques standardisés  programmés pour des pathologies de gravité moyenne, soit environ 30% de l’activité hospitalière ,ces réformes ont hélas  été généralisées à toutes les activités et appliquées indistinctement à tous les personnels. Plutôt que de corriger leurs erreurs, les décideurs politiques ont persévéré en empilant les réformes déstabilisant l’hôpital public.  Cette instabilité finit par détruire ce qui est une des conditions essentielles de la qualité des soins et de la satisfaction au travail : le travail en équipe.

Des mesures simples et tranchées

C’est pourquoi nous médecins des hôpitaux appelons à redonner du temps et de la liberté  aux  équipes soignantes en desserrant l’étau actuel  qui empêche ou retarde l’adaptation du fonctionnement hospitalier. Nous estimons :


1)  Qu’il faut en finir au plus vite avec la dictature du « tout T2A » et utiliser conjointement  les 3 modes de financement possibles (T2A, dotation et prix de journée) en fonction des activités. La dotation de service, modulée chaque année en fonction de l’activité (la D2A) permettrait par exemple aux professionnels prenant en charge des patients atteints de maladies chroniques de développer les prises en charge alternatives à l’hospitalisation classique et de mettre en place de nouvelles conditions de travail,y compris avec de nouvelles modalités d’application des 35 heures.



2)  Qu’il faut  définir par établissement et par unité de soins les conditions de travail permettant un travail d’équipe stable. Le travail d’équipe doit être coordonné par un médecin et un cadre de santé co-décidant avec l’administration et non seulement chargés d’appliquer les décisions prises par les « managers ». Il faut définir au niveau de chaque établissement pour chaque unité de soin, le nombre minimal de soignants permettant d’assurer la qualité et  la sécurité des soins.



3)  Qu’ il faut donner aux hôpitaux la liberté de s’organiser  comme ils le souhaitent pour réaliser leurs missions : liberté de constituer ou non des pôles de gestion ou des départements médicaux, l’unité de base de l’hôpital restant les structures où travaillent les équipes de soins : services ou unités fonctionnelles.



4)  Que les lits hospitaliers ne doivent pas être supprimés mais redistribués avec plus de lits pour l’aval des urgences et pour les soins de suite.



5)  Que l’hôpital doit aider les professionnels de ville partenaires à construire un service public de la médecine de 1er recours.



6)  Que l’évaluation du système de santé ne peut pas se limiter à la somme d’indices  portant sur les procédures qui conduisent chaque professionnel et chaque établissement à soigner les chiffres plutôt que le malade, et à ignorer l’aval et l’amont de sa propre activité.  Elle doit se faire par pathologie et porter sur les résultats de santé globaux et de qualité de vie  incluant la ville et l’hôpital et impliquant les patients et leur entourage.



7)  Que les pistes d’économies sont connues et doivent être empruntées. Les médicaments génériques sont 2 fois moins prescrits et 2 fois plus chers en France qu’en Angleterre avec un gain possible de 2 milliards d’euros par an  pour la Sécurité sociale. Le coût  des transports sanitaires ne cesse de croître pour dépasser les 4 milliards par an. Les frais de gestion du système de santé français avec ses 500 mutuelles et compagnies d’assurances privées et ses 18 agences d’Etat coûtent plus de 16 milliards. Le fonctionnement bureaucratique de l’hôpital est coûteux. La liste est longue des lobbys privés et publics puissants qui s’opposent aux réformes utiles.

Il appartient aux pouvoirs publics de défendre l’intérêt général au lieu de choisir la solution de facilité : réduire le déficit de la Sécurité sociale en augmentant celui de l’hôpital public, qui n’a plus  les moyens d’assurer ses missions.
Vous pouvez signer cet appel en vous rendant sur le site du Mouvement Pour la Défense de l'Hôpital Public (http://mouvementdedefensedelhopitalpublic.fr/)
Les intertitres sont de la rédaction du JIM.
Hélène Affres, Nadine Ajzenberg, Jérémy Allary, Zahïr Amoura, Frabrizio Andreelli, Emmanuel Andres, Daniel Anglade, Daniel Annequin, Konstantinos Arapis, Thierry Ardouin,  Jean Yves Artigou, Elisabeth Aslangul, Pierre Aucouturier, Bernard Augereau,  Yannick Aujard, Marie-Claude Aumont, Isabelle Auquit-Auckbur, Patrick Avargyez,Michel Azizi, Dora Bachir Brigitte Bader-Meunier, Jean Marc Baleyte,  Claude Bachmeyer, Xavier Balguerie, Eric Ballanger, Catherine Bancal, Patrick Barbet, Béatrice Barry, André Baruchel,  Thierry Baubet,Jean-Luc Baudel, Christian Baudel, Anita Baudel, Christine Bauer,Franck Bayle, Hakim Bêcheur,  Jean-Pierre Becquemin, Gérard Bégou,  Karim Belhadj, Agnès Bellocq, Nadia Belmatoug,Pierre-Yves Benhamou, Karelle Benistan, Guy Benoit, Amine Benyamina, Audrey Bégu-LeCorroler, Etienne Bérard, Jean-François Bergmann,Laureline Bertheloot, Farida Beuselama, ChridtineBeusnel,  Nicole Beydon,Hervé Bideault,Philippe Bizouarn, Hervé Blanchard, Arnaud de la Blanchardière,Antonia Blanié, Jeran-FrédéricBlicklé, Liliane Boccon-Gibod, Laurent Boccon-Gibod, Jacques Boddaert, Corinne Bonnard, Dominique Bordessoule, Raphaël Borie, Antoine Bosquet, Alexandra Botero, Clara Bouché, Jean-Pierre Bouchon, Pierre Bourgeois, Véronique Boussaud, Marie Germaine Bousser, Pierre-Henri Bréchat, Ghislaine Brefort,  Jean-Yves Bria, François Bricaire, Eric Brochet, Françoise Broisin, Valentine Brousse, Eric Bruckert, Eric Burggraff, Jean-Claude Buzzi, Fabienne Caby, Olivier Canceil,  Jacqueline Capeau, Claire CaretteNicole Casadevall, Eric Caumes, Dominique Cazals, Olivier Chabre, Hugues Chabriat, Gilles Chaine, Pierre-Yves Chambrin, Pierre Charbonneau, François Chast, Dominique ChauveauPierre Chedin, Jean-Luc Chevalier, Laurent Chouchana, Cécile Ciangura, Davis Cohen, Jean-Philippe Collet, Jean Marc Constans,  Paul Coppo, Catherine Cordonnier, Julie Cosserat, Louis-Jean Couderc, Yves Coulomb,Pascal Crenn, Béatrice Crikx, Sophie Crozier-Mortreux, Nicolas Dantchev, Malika Daoud, Roland Dardennes,  Cédric Daubin, Eric Daugas, Stéphane Dauger, Christian Dauzac,  André Pierre Denjean,  Dominique Debray,  Sylvie Debray-Meignan, Loïc De Pontual, Antoine Dereux, Emmanuelle Deraucourt, Philippe Detouche, Jean-Pascal Devailly , Jean-Charles Deybach,  Catherine Diard,  Sophie Dimicoli-Salazar,Dalia Dimitri-Boulos, , Marie-Christine Dombret, Hervé Dombret, Bruno Donadille, Jean-Luc Donaty, Brigitte Dorémus,Catherine Douvin, Didier Dreyfuss, Thomas Drouet, Pierre-Yves Dubien, Danièle Dubois-Laforgue,Olivier Duffas,  Nicolas Dufour,  François Dulac, Anne Dulioust, Laurent Dupic, Sylvie Dupont –Montfort, Jean  Dupouy-Camet, Jean-Pierre Dupuychaffray, Anne Dutour, Gilles Edan, Isabelle Enriquez,  Sylvie Epelboin, Marc Espié, Adoracion Esteso, Thierry Faillot, Philippe Faucher,  Pascal Favrole, Gilles Fénelon, Claire Foeschi, Elisabeth Fournier-Charrier, Anne Frata,  René Frydman, Olivier Gagey, Lionel Galicien, Frédéric Galactéros, Olivier Gall, Noël Garabédian, André-Pierre Gaston, Joël Gaudelus, Julien Gaudric,  Alain Gaudric, Frédéric Gauthier,Tobias Gauss, Laurence Gérard, GrigoriosGerotziafas, Anne  Gervais, Jacques Gilquin, Pierre-Marie Girard, Guillaume Girard, Violaine Giraud,  Christian Gisselbrecht,  Joseph Gligorov, François Goffinet, Jean-Marie Gomas, Anne Gompel,  Cécile Goujard,  Sophie Grandjouan, Bernard Granger,  Jules Grégory,  André Grimaldi, Jen-Michel Guérin, Hélène Guillot, Christian Guy Coichard, Andro Gwenaëlle, Julien Haroche, Agnès Hartemann, Georges Ha-Van,  Christophe Hennequin,Olivier Henry,  Patrick Henry,  Josselin Houenou, Celia Hugo, Emmanuel Jacquemin,  Stéphane Jaureguiberry, Gilles Jébrak, Marc Jégou, Xavier Jeunemaître, Laurence Josselin-Mahr, Jean Jouquan, Jean-Pierre Kahn, Tania Kharitonnoff, Bertrand Knelbelmann, Fabien Koskas, Frédérique Kuttenn, Philippe Labrune, Laurent Labrune,  Matthieu Lafaurie, Amina Lahlou, Olivier Lambotte, Bruno Landi, Christophe Lançon, Jean-Marie Launay,  Etienne Larger,  Caroline Lascoux-Combe,  Philippa Lavallée, Véronique Leblond,  Eric Le Bihan, Philippe Le Bras, Pascal Lebray, Pierre Lecomte, Laurence Leenhardt,Antoine Leenhardt, Nadine Le Forestier,  Eric Le Gangneux, Antoine Legendre, Marc Lejay,  Jean-Louis Lejonc, Sophie Lenagat, Thimothée Lenglet, Julien Lenglet,  Jacques Lepercq, Jean-Pierre Lépine,Michel Leporrier, Pascale LePors-Lemoine, Xavier Lescure, Jean-Laurent Le Quintrec, Fabrice Lesage,Philippe Lévy, François Lionnet, Damien Logeart,  Karine Loiseau,  Francis Louarn, Catherine Lubetzki, Radia Mahamdia, Frédéric Maillard, Marion Malphette, Véronique Manceron, Laurent Mandelbrot,  Emmanuel Mandonnet, Jean- Paul Marie, Xavier Mariette , Donata Marra,  François Martin, Jean Marzelle, Bertrand Mas,  Emmanuel Masméjean,RafikMasmoudi, Philippe Massin, Marie-France Maugaurd, Dominique Mazier, Bruno Mégarbane,Vincent Meininger, Jean-Claude Melchior, Jean-Jacques Mercadier, Laurent Mesnard, Jonathan Messika, Jean-Philippe Metzger,  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Vigouroux, Agnès Villemant, Francis Vrtovsnic, Laurence Weiss, Jacques Ygel, Elie-Serge Zafrani, Delphine Zenaty,  Michel Zerah, Jean-Marc Ziza.

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