lundi 22 juin 2015

Le stoïcisme comme précurseur épistémologique de la thérapie cognitive










La revue Psychiatrie, Sciences humaines, Neurosciences (PSN) évoque la « forte proximité conceptuelle » et les «parallèles épistémologiques » entre le stoïcisme (une conception philosophique remontant au IIIème siècle avant J.C avec Zénon de Cition, et propagée par divers représentants ultérieurs, comme Cléanthe, Chrysippe de Soles, Cicéron, Sénèque, Épictète, etc.) et la thérapie cognitive [1] développée par Albert Ellis (1913–2007) et Aaron Beck (né en 1921), l’auteur notamment du célèbre Beck Depression Inventory (échelle de Beck de la dépression)[2].

Comme le stoïcisme, la thérapie cognitive est fondamentalement pragmatique. Et même si les fondateurs de la thérapie cognitive ne reconnaissent pas toujours explicitement leur dette importante envers les philosophes stoïciens, les apports de ceux-ci constituent manifestement des concepts précurseurs pour cette thérapie. Par exemple, le stoïcisme comme la thérapie cognitive perçoivent les pathologies mentales comme des dysfonctionnements de la pensée, et un point essentiel est le « bon usage des représentations » du monde fournies par nos sens. L’approche cognitive postule ainsi que les troubles psychiques résultent de processus défectueux dans la cognition (imposant une remédiation pour « restructurer » correctement cette cognition perturbée, de même que les stoïciens voient dans les erreurs de jugement une source de pathos : « Il y a une grande vérité dans les sens, à condition qu’ils soient sains et bien portants et qu’on écarte tout ce qui leur fait obstacle » (Cicéron).

Les auteurs estiment que la thérapie cognitive gagnerait d’ailleurs à s’inspirer encore plus du stoïcisme, car « certaines notions stoïciennes demeurent inexploitées », en particulier le biais cognitif. Et pour Albert Ellis, un meilleur niveau de pensée rationnelle est gage d’une bonne relation à notre environnement : acquérir un « plus fort niveau de rationalité de sa pensée » confère une meilleure adaptation, en écho à « l’aspiration stoïcienne à devenir un Sage en harmonie avec le monde, à l’opposé du commun des mortels manipulé par les illusions pathogènes » de ses représentations des choses.
La conclusion des auteurs résume cette thèse : « Libéré des chaînes cognitives (croyances et jugements erronés, biais de raisonnement), l’individu pourra enfin regarder le monde de façon plus apaisante. » Épictète répète ainsi : « Face à la représentation, plonge en toi…tu ne seras plus le jouet de tes représentations. »
Dr Alain Cohen




RÉFÉRENCES
Pichat M et coll.: Le stoïcisme comme précurseur épistémologique de la thérapie cognitive, Psychiatrie,
Sciences humaines, Neurosciences. 2014 ; 12 : 65–76.

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