vendredi 22 mai 2015

Pouvoir refuser un traitement psychiatrique, entre considérations médicales et juridiques

19/05/2015


Depuis l’Antiquité, la question des détentions arbitraires pèse sur les revendications pour une société plus juste, et le célèbre habeas corpus [1] est considéré comme une avancée importante pour accorder le droit avec les libertés fondamentales. Et dans tous les pays, cette question de la libre disposition de son propre corps se repose en psychiatrie, face à la nécessité d’imposer un traitement (voire un enfermement) à un sujet non consentant.
Pour le praticien, cette situation implique alors une décision difficile qui procède d’un équilibre délicat entre l’impératif médical de prendre en charge, au besoin contre son gré, un malade pouvant se révéler dangereux pour lui-même ou/et les autres en cas d’abstention thérapeutique, et l’impératif démocratique de respecter au maximum les libertés individuelles, notamment la faculté de se déplacer à sa guise et celle de se soigner ou non. Il faut donc s’assurer que l’état physique et psychique du patient lui permet d’apprécier sereinement de recevoir ou non un traitement, ce qui demande d’évaluer au mieux le maintien de son discernement pour opérer ce choix.

Une étude réalisée en Australie passe en revue, pour plusieurs états australiens (Tasmanie, Victoria, Australie-Occidentale, et Nouvelle-Galles du Sud), les évolutions législatives sur cette capacité de prise de décision et l’harmonisation des normes légales (statutory standards) à ce sujet exigeant une bonne collaboration entre cliniciens et magistrats. De façon générale, même une personne avec une maladie mentale est «présumée capable » (au sens juridique où elle peut prendre elle-même une décision la concernant), mais dans certains cas particuliers, liés à la gravité de l’affection psychiatrique en cause, « cette présomption (de capacité juridique) peut être réfutée. » Les magistrats doivent alors apprécier (sur proposition des cliniciens et des experts psychiatres) si la personne concernée peut ou non « comprendre les informations pertinentes pour la décision de traitement et utiliser ou peser ces informations afin de prendre cette décision », et si une entorse provisoire au droit commun (common law) [2] se justifie ici, dans l’intérêt prioritaire du sujet.
Dr Alain Cohen

RÉFÉRENCES
Ryan C et coll. : The capacity to refuse psychiatric treatment: a guide to the law for clinicians and tribunal members. Aust N Z J Psychiatry, 2015; 49: 324–333.

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