samedi 30 mai 2015

Les couleurs du cool

LE MONDE DES LIVRES |  | Par 



Barack Obama, une piste vers le cool ?


Pour être cool, il ne suffit pas d’avoir des baskets blanches. Ce serait trop simple et s’il y a bien une chose que n’est pas le cool, c’est simple. On le présumait, l’essai de Jean-Marie Durand nous en convainc. En matière de cool, gare au travestissement. Vous croyez en maîtriser les codes, vous en trahissez l’esprit.

couverture

En dessiner les contours est déjà en soi un défi, que chaque page de cet élégant Le Cool dans nos veines tente de relever. C’est que si le mot prolifère, fourmille, envahit la conservation quotidienne, se complaisant – avec quelle insistance ! – dans la banalité des échanges informels, le concept, lui, est plus incertain : « Il n’est pas un état, figé, donné, essentialisé : il n’est que le mot exprimant les élans de chacun, des élans dispersés, fragmentés. Rien ne relie ces élans sinon cette croyance dans ce mot fétiche, qui semble charrier autre chose que l’enthousiasme dont il est la trace. » Seul le contexte de ses ­occurrences, seules ses ­incarnations dans les lumineuses ­silhouettes de Miles Davis, Humphrey Bogart ou Barack Obama offrent quelques pistes.


Un sujet qui coule et fuit


Le cool naît avec l’esclavage : « Keep cool », garde ton sang-froid – le détachement ironique comme esprit de rébellion. On tient là une indication précieuse sur sa nature : pas de cool sans ­retrait, sans repli tactique. Fuir le premier degré, constamment, cultiver l’humour, désespérément, épouser la vague, mais sans consentement. Tiendrait-on là une définition, quelque chose comme un « art de la tension » et même un « art d’effleurer » ? On vous l’avait dit, ce n’est pas si simple. Il n’y a pas de « kit du cool », seulement une grâce.

Qui conduit Jean-Marie Durand à convoquer Norbert Elias et les Beach Boys, Luc Boltanski et Peter Sellers, à aller voir dans des directions aussi diverses que l’art de la photo ou un trajet en voiture et en musique, vitres ouvertes sur un soir d’été – au risque de la dispersion, mais d’une dispersion assumée, comme preuve de modestie, comme, aussi, un réflexe mimétique ­devant ce sujet qui coule et fuit sans cesse. La plume coule aussi, refusant la sécheresse ­ réfrigérante de certains ouvrages, épousant les méandres de son sujet avec moult volutes.
Il s’agit de sauver le cool de la décoloration qui le menace, de son affadissement dans les baskets blanches. A ce titre, Le Cool dans nos veines n’est pas que l’histoire d’une sensibilité mais aussi un essai sensible et politique, tentant de retrouver l’éclat de rébellion qui niche au cœur du cool. Julie Clarini

Le Cool dans nos veines. Histoire d’une sensibilité, de Jean-Marie Durand,Robert Laffont, 234 p.,

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