dimanche 10 mai 2015

JACQUELINE AYME : ELLE A VOTÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS IL Y A 70 ANS

Jacqueline Ayme : elle a voté pour la première fois il y a 70 ans

Elle fut l’une des premières femmes à voter. Soixante-dix ans après, alors que le ministère de l’Intérieur célébrait l’obtention de ce droit, rencontre avec la truculente Jacqueline Ayme, 91 ans.
    Elle a l’iris azur, les cheveux blancs, un sourire à requinquer un régiment de déprimés, l’esprit frondeur. Jacqueline Ayme adore dire : « Je suis un dinosaure, j’ai 91 ans, je n’ai même pas de téléphone portable. » Elle fume des cigarettes fines mentholées, ne rechigne pas devant un apéro, ne s’interdit rien. Elle écoute la radio non-stop, ses émissions favorites à la télévision traitent d’histoire ou de politique et, pour tromper la solitude, elle lit beaucoup. Allure trotte-menu sur ses petits talons, veste pailletée, legging noir et Shalimar. A l’épaule, elle arbore son sac à main des grands jours. C’en est un. Ce 29 avril, elle est sur l’estrade de la salle de conférences de la Place Beauvau, devant Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, et une centaine d’auditeurs. Ce n’est pas rien. Elle participe à la cérémonie commémorant le droit de vote des femmes. C’était pour les élections municipales le 29 avril et le 13 mai 1945. Il y a soixante-dix ans. Jacqueline Ayme votait pour la première fois à Verdun.

« Nos cœurs étaient tristes »

Entre quatre yeux, elle confie, désinvolte, que « voter ne [lui] a rien fait de spécial ». Elle rappelle le contexte, l’Occupation, les privations, les amis déportés dans les camps. « Voter n’était pas une joie, la Libération par les Américains l’avait été, mais nos cœurs étaient tristes. » Elle est née en 1924, à Verdun. Famille maternelle de paysans. « Catholiques mais pas bigots. » Aînée de trois filles. Seize ans d’écart avec la benjamine. Ses parents, natifs aussi de Verdun, étaient adolescents lors de la Première Guerre mondiale. Un champ de bataille. Pas d’école. Sa mère fait des ménages, son père travaille dans les chemins de fer. « Ils vivotaient, nous habitions avec mes grands-parents. J’étais une bonne élève. Après mon certificat d’études, je voulais devenir sage-femme. »

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