jeudi 23 avril 2015

Après une ablation du sein, des freins psychologiques et financiers à la reconstruction mammaire

LE MONDE |  | Par 

A l'Institut Curie, en novembre 2014 (photo d'illustration).

« Ne me laissez pas avec la moitié d’un corps d’homme. » En août 2014, avant de subir une mastectomie pour soigner son cancer du sein, Juliette (qui préfère ne pas donner son nom de famille), 38 ans, avait prévenu son chirurgien, à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) : une reconstruction mammaire devait suivre l’ablation. « Je ne pouvais pas m’imaginer sans sein. Je l’aurais vécu comme une perte de féminité. » Comme elle, après une ablation, 52 % des femmes se font reconstruire la poitrine ; 25 % choisissent de ne pas le faire, par refus d’une nouvelle intervention ou parce qu’elles ne jugent pas l’intervention vitale. Et 23 % sont dans un processus de réflexion.


C’est ce que montre la Ligue contre le cancer dans le rapport annuel de son Observatoire sociétal des cancers, publié jeudi 23 avril. A partir des réponses de 1 000 femmes ayant subi une mastectomie et d’entretiens individuels, l’association montre les freins psychologiques et financiers à la reconstruction mammaire. En France, 170 000 femmes souffrent d’un cancer du sein, et 20 000 mastectomies sont pratiquées chaque année.
Aude, une Nantaise de 49 ans qui souhaite rester anonyme, porte une prothèse externe. « Pour l’instant, la reconstruction, c’est plutôt nonUn sein en moins ne m’empêche pas de vivre », dit-elle. Elle y réfléchit parfois cependant, mais est rebutée à l’idée d’une nouvelle opération qui l’éloignerait du travail.


« J’ai payé de ma personne »


Si le frein majeur est d’ordre psychologique (peur de l’intervention chirurgicale ou du résultat…), 14 % des femmes qui ne souhaitent pas de reconstruction mettent en avant des raisons financières : l’Assurance-maladie prend en charge à 100 % les traitements pour les patients souffrant d’une affection de longue durée (ALD) comme le cancer. Mais, après la mastectomie, certaines dépenses sont peu ou pas remboursées. Pour les femmes qui choisissent de ne pas faire reconstruire leur poitrine, le montant restant à charge s’élève à 256 euros par an. Les prothèses externes, par exemple, qui coûtent entre 70 et 220 euros et doivent être changées tous les ans, sont remboursées 70 euros.

Dans le cas d’une reconstruction, ce sont les dépassements d’honoraires qui pèsent le plus dans le budget, avec un reste à charge moyen de 1 391 euros. Une situation que connaît bien Delphine Camsat, 42 ans. En 2014, deux ans après sa mastectomie, elle s’oriente vers une technique peu connue – une sorte de ventouse qui décolle la peau pour créer une cavité et y injecter de la graisse, sans nouvelle cicatrice. Le procédé n’est pas pris en charge par la Sécu. « L’appareil coûte 1 500 euros et les dépassements d’honoraires pour l’intervention 2 300 euros, dit-elle, devis à l’appui. J’ai payé suffisamment de ma personne. J’ai des enfants en bas âge, un crédit pour la maison, je n’allais pas faire un crédit pour me faire reconstruire. »

Delphine Camsat se résigne alors à opter pour une technique moins chère et cherche un praticien sans dépassement d’honoraires. Même après l’intervention, les dépenses continuent : « Les frais de transport pour voir les spécialistes, les séances chez l’ostéopathe, les pommades pour les cicatrices. Tout ça mis bout à bout, ce n’est pas négligeable ! »



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