jeudi 12 mars 2015

La F2RSM veut faire évoluer les représentations de la maladie mentale dans les médias

 - HOSPIMEDIA

LE FAIT

Depuis 2013, la Fédération de recherche en santé mentale du Nord-Pas-de-Calais (F2RSM) développe des initiatives qui visent à déconstruire les représentations de la maladie mentale dans les médias et à les associer à la prévention du suicide. Ainsi des étudiants de l'école de journalisme de Lille ont passé une semaine en immersion en psychiatrie.

L'ANALYSE

Faire tomber les idées reçues sur la maladie mentale, c'est l'un des objectifs visés par la Fédération de recherche en santé mentale du Nord-Pas-de-Calais (F2RSM). En décembre 2013, elle initie avec l'École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, une première rencontre entre les étudiants en journalisme et de futurs psychiatres, animée par l’Association lilloise de l’internat et du post-internat en psychiatrie (ALI2P). Ensemble, ils s'interrogent et réfléchissent à la manière de déconstruire les représentations associées à la psychiatrie et aux maladies mentales. Renouvelée au mois de décembre 2014, cette expérience a été suivie par une immersion de cinq jours dans le monde de la psychiatrie pour quelques uns des participants.

Au cours des vacances de février dernier, sept futurs journalistes volontaires et motivés ont été accueillis à Tourcoing dans les structures du secteur 59G17 dirigé par le Dr Nicolas Lalaux, de l'EPSM de Lille : l'hôpital de jour et centre d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) Arthur Rimbaud, le centre médico-psychologique (CMP) et le foyer de post cure l'Étape. "Par binôme ou trinôme, ils ont été intégrés aux activités suivies par les patients comme la sortie au musée d'art moderne, la revue de presse ou le repas thérapeutique, et se sont fondus dans les équipes", explique Nathalie Pauwels, gestionnaire du programme Papageno et chargée de la communication à la F2RSM. "Voir ce qu'est la maladie mentale, c'est aussi entrer dans l'intime. Les étudiants ont ainsi pu assister à des entretiens, échanger avec les soignants ainsi qu'avec Valérie Vermeersch, médiateur de santé pair."

Une découverte des différentes formes de prise en charge

Ce matin du 26 février, installés dans la salle de réunion de l'hôpital de jour Arthur Rimbaud à Tourcoing, ils interrogent Gaspard Prunayre, interne en psychiatrie au CHRU de Lille. Toutes les questions sont permises, même celles que personne n'oserait habituellement poser par peur de paraître ignorant ou de choquer sur les différences entre psychiatrie et psychothérapie, les prises en charge, la schizophrénie, l'utilisation des diagnostics... "Les échanges sont plus faciles entre étudiants qu'avec un professeur, d'où notre volonté qu'ils soient accompagnés par un interne", souligne Nathalie Pauwels qui ajoute "cela permet à une génération de psychiatres et de journalistes qui travailleront côte à côte demain de se rencontrer et d'apprendre à se parler". 

Au fil de la semaine, les étudiants ont découvert la variété des parcours de soin et des prises en charge qui mettent l'accent sur l'individualisation de l'accompagnement et "l'humain", souligne Hélène Masquelier. "Je ne considère plus la psychiatrie comme à part, remarque Camille Marigaux. Et j'ai pris conscience de la proximité et de l'implantation dans la ville des différents lieux de santé mentale. En identifiant les professionnels intervenant dans le secteur, je saurai désormais à quels interlocuteurs m'adresser."

Pour Gaspard Prunayre, le traitement médiatique, particulièrement des faits divers, "véhicule des peurs et des images négatives éloignées de la réalité. Il faut sortir de la stigmatisation et des raccourcis". Un point de vue partagé par le Pr Pierre Thomas, chef du pôle de psychiatrie, médecine légale et médecine en milieu pénitentiaire au CHRU de Lille et président du conseil scientifique de la F2RSM, qui regrette "l'association de plus en plus courante entre la maladie mentale et la violence". Oubliés les termes d'asile et de fous. "Il faut éviter d'employer des dénominations brutales, en particulier dans les titres d'articles", note Aliénor Carrière, l'une des étudiantes, qui reconnaît la difficulté à rendre compte de la complexité de toutes les situations. 

Des actions pour mobiliser les médias dans la prévention du suicide 

À la suite de la rencontre entre les étudiants en journalisme et les futurs psychiatres organisée à l'École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille en décembre 2013 par la Fédération de recherche en santé mentale du Nord-Pas-de-Calais (F2RSM) et l’Association lilloise de l’internat et du post-internat en psychiatrie (ALI2P), la Direction générale de la santé (DGS) du ministère des Affaires sociales et de la Santé remarque l'initiative et s'engage pour la soutenir et la développer.

En janvier 2014, des pistes de développement concernant la sensibilisation des étudiants en journalisme au traitement médiatique du suicide sont proposées lors d'une réunion entre le Geps, la F2RSM, l'ALI2P et la DGS. Ils décident de créer un partenariat afin d'étendre l'expérience de Lille à l’ensemble des écoles de journalisme. Le programme Papageno est né. Le nom est inspiré de l'effet Papageno, qui prédit que certaines précautions simples dans la façon de relayer un suicide (présenter des voies de recours, faire preuve d’égards vis à vis de la mémoire du défunt et de sa famille…) permettent un effet protecteur vis-à-vis du risque suicidaire en population générale. Au contraire, la façon dont les médias présentent les cas de suicide, peut en précipiter d’autres. C’est l’effet Werther.

Aujourd'hui, la F2RSM qui veut aller plus loin dans cette démarche de prévention du suicide, réfléchit avec le groupe de presse La Voix du Nord à la mise en place d'un partenariat entre les deux structures, indique le Pr Pierre Thomas, chef du pôle de psychiatrie, médecine légale et médecine en milieu pénitentiaire au CHRU de Lille et président du conseil scientifique de la F2RSM. "Il faut faire passer le message que ce n'est pas normal d'avoir des idées suicidaires et que des dispositifs d'aide existent", explique-t-il.
Aude Malaret
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