jeudi 12 mars 2015

Comment les industriels du sucre ont détourné le programme dentaire américain

LE MONDE |  | Par 


Des documents, retrouvés dans un fonds d’archives, mettent en évidence les méthodes utilisées pour entraver la lutte contre les caries dans les années 1960 et 1970.


On connaissait les « Pentagone papers », ces 7 000 pages classées secret défense, dévoilées en 1971, qui éclairèrent les méthodes américaines dans la conduite de la guerre au Vietnam ; ou encore les « tobacco papers », 14 millions de documents que les cigarettiers furent contraints de rendre publics par la justice américaine, afin de montrer comment ils avaient dissimulé les méfaits du tabac. A l’université de Californie-San Francisco (UCSF), on n’hésite pas à parler dorénavant de « sugar papers ». Une équipe de chercheurs de l’établissement publie, mardi 10 mars, dans la revue Plos Medecineune synthèse de documents internes aux industries du sucre découverts dans un fonds d’archives publiques.

Et le résultat est explosif : alors qu’ils connaissaient, dès les années 1950, les effets délétères du sucre sur la santé buccale des enfants, les industriels ont promu et soutenu, dans les années 1960 et 1970, des programmes scientifiques « alternatifs », destinés à éviter toute réduction de la consommation. Mieux : ils ont orienté la politique publique de lutte contre les caries. Une action « couronnée de succès », indiquent les chercheurs.

Le coup n’est pas parti de l’UCSF par hasard. L’équipe du professeur Stanton Glantz, cardiologue et activiste antitabac, accueille et anime la « Legacy Tobacco Documents Library », bibliothèque en ligne qui offre un libre accès aux fameux « papiers » des cigarettiers. C’est dans cet univers, rompu à la traque de documents cachés, que Cristin Kearns, première auteure de l’article, a atterri, en 2008, après son diplôme de dentiste.

Pendant dix-huit mois, elle a tenté de comprendre « l’écheveau d’organisations mis en place par les industriels du sucre afin de promouvoir leurs intérêts auprès des décideurs » : fondations, associations, symposiums, programmes de recherche… Puis elle s’est lancée en quête de preuves matérielles. En 2010, elle a mis la main sur les archives de Roger Adams, professeur émérite de chimie organique et membre du conseil d’administration de la Fondation pour la recherche sur le sucre (SRF), le bras scientifique des industriels du secteur, de 1959 à sa mort, en 1971.




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