jeudi 12 février 2015

Le déclin inéluctable des adoptions à l’étranger

Le Monde.fr | 
Editorial du « Monde » Jamais le gouvernement, par la voix de la mission pour l’adoption internationale du Quai d’Orsay, n’avait été aussi clair. Adopter à l’étranger n’est pas – et sera de moins en moins – une solution pour les couples infertiles qui souhaitent devenir parents. Les derniers chiffres, présentés mardi 10 février, marquent une évolution qui semble inéluctable : amorcée en 2011, la forte décrue du nombre d’enfants étrangers adoptés en France se poursuit. Ils n’ont été qu’un peu plus de 1 000 en 2014, contre presque 5 000 il y a dix ans.

Le mouvement touche toute la planète : le nombre d’adoptions internationales a été divisé par trois en une décennie. Pour les candidats, cela signifie que les délais s’allongent et que les enfants adoptables sont « à besoin spécifique » : plus âgés, en fratries ou atteints par des pathologies plus ou moins graves. Les couples, qui espèrent en général un enfant de moins de 3 ans en bonne santé, doivent s’adapter.
Cette réalité est douloureuse pour les candidats. 

D’autant que, pour une bonne partie des couples, l’adoption est envisagée après l’échec d’un long parcours de procréation médicalement assistée. Certains vivent une situation déchirante, comme ces couples qui ont été très loin dans la procédure, parfois jusqu’au prononcé de l’adoption, mais dont les enfants n’obtiennent pas le droit de sortir du pays.

Mais cette « pénurie » est aussi une bonne nouvelle. Les pays d’origine sont de plus en plus nombreux à ratifier la convention de La Haye sur la protection des enfants de 1993, selon laquelle tout doit être fait pour maintenir l’enfant dans sa famille et, à défaut, dans son pays d’origine. Des témoignages d’enfants adoptés devenus adultes l’ont montré : être élevé loin de sa culture d’origine peut être un traumatisme supplémentaire pour un enfant abandonné. Les Etats qui ratifient la convention s’engagent également à vérifier que l’enfant est bien adoptable et à lutter contre les trafics. L’adoption internationale est conçue comme le dernier recours.

En outre, au fur et à mesure que les pays pauvres se développent, que leur classe moyenne progresse et que la contraception devient plus accessible, les abandons d’enfants se raréfient. En parallèle, de plus en plus de couples sont prêts à adopter localement. 

La fierté nationale entre en jeu. Il devient insupportable aux opinions publiques de ces pays de voir partir leurs enfants, donc une partie de leur avenir, vers les pays riches.

Ce tarissement des flux de l’adoption internationale se produit au moment où, dans les pays développés, l’âge des parents au premier enfant ne cesse de progresser, de même que l’infertilité, de plus en plus liée à l’âge. Les couples en mal d’enfants seront donc de plus en plus nombreux. Sauf à imaginer de nouveaux progrès de la médecine, ces couples vont être placés devant des choix difficiles. Soit ils recourront aux mères porteuses à l’étranger, s’ils en ont les moyens financiers et sont prêts à braver l’interdit éthique et légal qui prévaut en France. Soit ils devront se résoudre à une vie sans enfant – et admettre que l’enfant n’est pas un droit.

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