lundi 22 décembre 2014

Notre système de soins est-il vraiment en péril ?

LE MONDE | 
Caisse primaire d'assurances maladie (CAM), 8 octobe 2014 à Lille (Nord). AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN
L’ampleur inhabituelle de la mobilisation des médecins appelant à fermer leur cabinet entre Noël et le Jour de l’an ne peut laisser indifférent. Le projet de loi santé, qui focalise les mécontentements de nombreux professionnels, mérite-t-il cette réprobation ? L’outrance des positions de la plupart des syndicats médicaux, de l’Ordre des médecins, les excès de certaines campagnes de communication pourraient laisser penser que les orientations de la future loi menacent la médecine libérale, et au-delà tout notre système de santé.


Trois dispositions de cette loi concentrent les critiques : la timide évolution du dispositif conventionnel pour mieux prendre en compte les disparités territoriales, la volonté d’encadrer les pratiques tarifaires dans le service public hospitalier ouvert aux cliniques privées et la généralisation du tiers payant. Ce sont pourtant trois dispositions qui visent à lutter contre les renoncements aux soins, qui n’ont jamais été aussi élevés : 26 % de nos concitoyens. La généralisation du tiers payant facilite l’accès aux soins. Il est déjà pratiqué par près de 100 000 professionnels de santé en France, de manière volontaire et à la satisfaction de l’immense majorité d’entre eux et des patients.

C’est aussi un moyen de paiement moderne qui, généralisé, permettrait de laisser plus de 11 milliards d’euros dans l’économie, à la disposition des ménages. Ce progrès va tellement de soi qu’il a été adopté par vingt-cinq des vingt-huit pays européens. Bien sûr, sa mise en œuvre ne doit pas générer de charge administrative nouvelle pour les professionnels de santé. Les complémentaires s’y engagent, car rien ne se fera sans les médecins, moins encore contre eux.


Il faut aller plus loin


En réalité, l’opposition au tiers payant est le symptôme d’un malaise plus profond, lié notamment aux conditions d’exercice, aux contenus des métiers, à l’adaptation des pratiques au progrès médical. La question des rémunérations doit aussi être abordée. Certains médecins, les généralistes, ceux dont la pratique est essentiellement clinique et nécessite temps et écoute, les praticiens de secteur 1 [tarif qui sert de base aux remboursements de la caisse d’assurance-maladie] en général et l’immense majorité des soignants, éternels oubliés du débat, doivent bénéficier de revalorisations. Celles-ci sont en cours pour les généralistes à travers les rémunérations forfaitaires qui ont permis une progression significative de leurs revenus. Il faut aller plus loin !

Nous avons besoin d’une approche d’ensemble de la rémunération des professionnels de santé, d’une véritable politique des revenus et des carrières, qui nécessite de revoir profondément l’ensemble du dispositif conventionnel avec les professionnels de santé – dispositif qui n’a atteint aucun de ses objectifs dans les dernières décennies. La contractualisation avec les professionnels de santé doit permettre une relation directe entre ces derniers et les mutuelles, afin de mieux rembourser les dépassements d’honoraires lorsqu’ils sont pertinents et raisonnables, pour réduire le reste à charge des patients tout en contribuant à la revalorisation de la pratique des médecins – notamment clinique.

Enfin, avant même les questions de financement, notre système souffre d’un défaut d’organisation. Aucune solution n’émergera si l’Etat, après avoir fixé les objectifs et affiché les résultats à atteindre, ne fait pas confiance aux acteurs. Le système est trop complexe pour prétendre pouvoir être géré de manière centralisée et solitaire par l’Etat ou l’Assurance-maladie. Les acteurs (professionnels de santé, complémentaires…) doivent pouvoir prendre leurs responsabilités, négocier entre eux, s’adapter aux réalités territoriales, aux besoins spécifiques de certaines populations, s’engager sur des résultats et, surtout, revenir toujours à l’intérêt des patients. Il est temps de donner au débat sur la politique de santé et de protection sociale la place qui doit être la sienne dans la définition de politiques publiques. La Mutualité prendra sa place dans ce débat, avec pour seul objectif d’améliorer l’accès aux soins et de diminuer le reste à charge des Français.

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