lundi 17 novembre 2014

Pour les Français, certaines inégalités sont plus acceptables que d’autres

Le Monde.fr | Par 
L’emploi, le logement, la possibilité de se soigner correctement : tels sont (hors revenus, option qui ne leur était pas proposée) les domaines identifiés par les Français comme générant le plus d’inégalités, dans une société qui n’en est pas avare, selon eux. D’après un sondage de la Sofres pour la Fédération des Pupilles de l’enseignement public (PEP) réalisé du 1er au 7 octobre par Internet auprès d’un échantillon de 1 002 personnes, les Français estiment très majoritairement (78 %) que la société française est inégalitaire. La volonté de combattre ce fléau rassemble une majorité moins large : 60 % des personnes interrogées considèrent qu’il faut « lutter au maximum contre les inégalités entre tous lesindividus ».
Infographie sondage Sofres
Cette déperdition (18 points d’écart), s’agissant d’une valeur, l’égalité, qui fait partie de la devise républicaine, se produit lorsque apparaît la notion de mérite. A la différence des 60 % précitées, 32 % des personnes interrogées (38 % des 18-24 ans) estiment qu’il faut plutôt « accepter les inégalités entre les individus si celles-ci sont fondées sur le mérite ».

« Les personnes qui ont très peu d’argent, catégorie la plus citée »

« La société française est très loin d'être parmi les plus inégalitaires », nuance Louis Maurin, le directeur de l’Observatoire des inégalités. « La France est l'un des pays où le taux de pauvreté est parmi les plus faibles au monde, après les pays nordiques, grâce à un modèle social de qualité. » Mais, rappelle le sociologue, « l'on est toujours en dessous de quelqu'un : chacun peut se sentir lésé par rapport à une frange supérieure de la population. » Surtout, estime M. Maurin,« derrière les discours officiels se cache une société très formaliste, très segmentée. Très hypocrite, par exemple dans le domaine de l'éducation, ou plus généralement vis-à-vis des milieux populaires, peu diplômés. »
L’échantillon interrogé par la Sofres établit une hiérarchie assez claire entre les publics particulièrement touchés par les inégalités. L’institut de sondage a posé la question suivante : « Selon vous, quelles situations devraient bénéficier d’efforts particuliers afin d’assurer l’égalité des chances en France ? »
Infographie sondage Sofres
Douze « catégories » ont été soumises au jugement des sondés, qui pouvaient en choisir jusqu’à trois. « Les personnes qui ont très peu d’argent » arrivent nettement en tête des « situations » devant bénéficier d’efforts particuliers : 45 % de l’échantillon les ont citées parmi leurs réponses. Suivent « les personnes souffrant d’un handicap moteur » (34 %), puis celles « vivant dans des quartiers où l’insécurité est forte » (32 %).
« Climat anti-immigrés »
Loin derrière, en queue de peloton, on trouve « les homosexuels »(11 %), « les étrangers en situation régulière sur le territoire français » et « les personnes issues de l’immigration » (9 % pour chacun de ces groupes). « Les gens du voyage » ferment le ban. Seules 3 % des personnes interrogées considèrent qu’ils font partie des groupes qu’il conviendrait d’aider en priorité. Il y aurait donc non seulement des inégalités plus acceptables que d’autres, mais aussi – et surtout – des victimes moins acceptables que d’autres.
Les étrangers, les immigrés et les gens du voyage « méritent-ils » plus que d’autres, si l’on peut dire, les inégalités qu’ils subissent ? « Dans une situation de crise sociale majeure, on reporte ses difficultés sur les minorités les plus fragiles », observe Louis Maurin. Le directeur de l’Observatoire des inégalités voit dans les réponses à cette question le reflet d’un « climat anti-immigrés »qui s’est « généralisé, à des degrés divers, bien au-delà de l’extrême droite », et d’une propension des politiques à désigner des « boucs émissaires ».

D’autres réponses figurant dans cette enquête vont dans le même sens. Pour 60 % des personnes interrogées, la scolarisation d’élèves en situation de handicap constitue « une ouverture d’esprit » pour le reste de la classe (contre 9 % qui jugent que cela génère « une difficulté d’apprentissage »). Le jugement est tout autre s’agissant d’élèves ne maîtrisant pas le français : la difficulté d’apprentissage (41 %) l’emporte alors nettement sur l’ouverture d’esprit (27 %). Parmi une demi-douzaine de mesures suggérées pour réduire les inégalités, la seule qui ne recueille pas une majorité d’avis favorables est « la mise à disposition de formulaires administratifs en langue étrangère pour les personnes ne maîtrisant pas correctement le français ».

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