mercredi 8 octobre 2014

La délicate évaluation du « coût social » du tabac

Le Monde.fr | Par 

La légende urbaine fait long feu : nombreux sont les Français à croire que les fumeurs rapportent plus qu'ils ne coûtent à l'Etat, en raison de la fiscalité du tabac. En cause, le flou entourant certains chiffres.

47,7 MILLIARDS D'EUROS

Le tabagisme et ses conséquences coûtent cher à la société, on le sait. Marisol Touraine l'a rappelé à l'occasion du lancement du plan antitabac, avançant le chiffre de 47,7 milliards d'euros par an. Ce, alors que les rentrées fiscales ne représenteraient que 12 milliards d'euros par an, selon la Cour des comptes. Soit un manque à gagner pour l'Etat de 35,7 milliards d'euros.

Un chiffre fiable ?

Ce chiffre de 47,7 milliards d'euros est avancé depuis une dizaine d'années par l'ensemble des acteurs de la lutte contre le tabac.
Dans son rapport sur les politiques de lutte contre le tabagisme,qui date de 2012, la Cour des comptes pointe du doigt les approximations méthodologiques de l'étude, préjudiciables à l'efficacité de la lutte contre le tabac.
« Si la dangerosité du tabac ne fait plus aujourd'hui débat, le coût sanitaire et social indirect du tabagisme et son impact en termes de dépenses d'assurance maladie font l'objet de contestations récurrentes par certains acteurs. »
En d'autres termes, l'existence d'un coût direct élevé est avérée, mais l'estimation du coût total du tabagisme pour la société « fait appel à des hypothèses ouvertes à la discussion ». Coûts sanitaires, coûts pour l'entreprise et l'individu...
Pour l'auteur même de l'enquête ayant abouti au chiffre de 47 milliards, Pierre Kopp, « la mesure du coût social du tabac pose un sérieux problème méthodologique » : est-ce un coût imputable à la collectivité ou à l'individu, dans la mesure où ce dernier choisit de fumer en toute conscience ? L'économiste, enseignant à Paris 1, ajoute : 

« Un calcul économique qui n'accorderait aucun poids à la satisfaction du fumeur rangerait la totalité des coûts de la santé du fumeur du côté des externalités, et qui considérerait les profits des entreprises du tabac comme trop amoraux pour être pris en compte aboutirait inéluctablement à un résultat conduisant à bannir le tabac de la société. »
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