jeudi 31 juillet 2014

Témoignage : de la psychose à l’écriture




Peut-on communiquer sur la psychose, à partir d’une expérience autobiographique ? C’est le défi relevé par un écrivain (Polo Tonka) évoquant sa propre histoire avec la schizophrénie[1]. Interviewé sur France Inter [2], , Polo Tonka a notamment évoqué l’une des difficultés pratiques pour faire accepter le traitement antipsychotique au patient : « les effets secondaires sont immédiats (prise de poids, fatigue…) alors que les effets positifs peuvent mettre très longtemps » à intervenir. L’ouvrage de Polo Tonka est analysé dans Pratiques en Santé Mentale (le magazine de la Fédération d’Aide à la Santé Mentale Croix-Marine). Le commentateur dénonce à ce propos un paradoxe : alors que toute la démarche de l’intéressé vise à s’affranchir de son passé de schizophrène pour s’imposer dans son nouveau statut d’auteur, pourquoi s’appesantir sur cette image d’ancien malade, en accompagnant son récit de « commentaires psychopathologiques » d’un psychiatre, si éminent soit-il ? En l’occurrence, Philippe Jeammet, professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris Descartes.
« Remettre ce texte sous l’éclairage de la pathologie semble être de l’ordre du maintien dans l’enfermement » déplore le commentateur, en comparant ce phénomène au sort des cartes postales adressées parfois par d’anciens patients, partis en vacances après avoir quitté le service de psychiatrie : il arrive que les soignants rangent pourtant ces cartes dans les dossiers « remettant ainsi dans une position de malade une personne sortie ayant effectué là un geste de simple amitié ! » En d’autres termes, le passé psychiatrique colle subrepticement à la peau… Le sous-titre de l’ouvrage « un schizophrène témoigne » est certes explicite, mais semble également inadapté au commentateur car il ramène, là aussi, l’auteur à son vécu médical : « aurions-nous imaginé Le Horla [3] de Guy de Maupassant, par exemple, ainsi sous-titré ? » Pour le commentateur, la persistance de ces indices (au sein même d’une démarche de réhabilitation d’un ancien malade !) montre qu’« il y a encore pas mal de travail de déstigmatisation à faire dans nos propres têtes. »
[1] Polo Tonka : Dialogue avec moi-même. Un schizophrène témoigne. Paris, Odile Jacob, 2013.
[2] http://www.franceinter.fr/emission-la-tete-au-carre-temoignage-dun-schizophrene
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Horla
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Arveiller JP : Actualités. Lectures. Pratiques en Santé Mentale 2014 (1): 104.

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