samedi 26 juillet 2014

Fichés

Publié le 26/07/2014

Les blogs tenus par des professionnels de santé sont parfois l’occasion de dénoncer des pratiques courantes, souvent profondément humiliantes pour les patients. On se souvient ainsi comment Farfadoc avait défrayé la chronique il y a deux ans en s’insurgeant contre la distribution dans nombre d’hôpitaux de chemises se nouant dans le dos, fort mal pratiques et ignorant totalement l’intimité des malades. Les réactions avaient été si nombreuses à la suite de ce post, confortant pour la plupart la blogueuse dans son sens, que le ministre de la Santé lui-même s’était emparé du sujet et avait nommé un groupe de travail pour se pencher sur la question (dont on ne connait d’ailleurs pas le fruit !). Nom, prénom et numéro de sécu et rien d’autres… ou presque !

S’inscrivant explicitement dans cette même ligne, l’auteur du blog « Cris et Chuchotements » a décidé à son tour de dénoncer la persistance sur les cartes Vitale des patients de l’information selon laquelle ils ont bénéficié par le passé de la Couverture médicale universelle (CMU). La carte Vitale, il est vrai, est particulièrement succincte concernant son titulaire. L’auteur du blog remarque ainsi qu’il s’agit d’un outil très « peu informatif en matière de santé » ou encore qu’elle ne comporte aucune autre donnée que le « nom, prénom et numéro de sécu ». Toute précision supplémentaire inhabituelle n’a jamais vocation à demeurer définitivement associée au titulaire de la carte. « Vous pourrez mettre à jour aussi souvent que nécessaire votre carte vitale : vos enfants en disparaîtront illico dès leur 16 ans et un jour, vos droits de 100 % s’effaceront dès franchie la date limite » énumère par exemple l’un des derniers posts du blog. 

Même si vous êtes devenu président

Il existe cependant une indication qui ne s’efface jamais : l’ouverture de droits à la CMU, même si ces derniers ont été fermés depuis des années. « Même si vous en avez bénéficié au moment d’un passage de vie difficile, même si, depuis vous êtes devenu ministre, président ou travailleur normal, vous êtes à jamais afflublé de cette étiquette sociétale », ironise l’auteur du blog. Ainsi, arrive-t-il fréquemment que le médecin découvre en insérant la carte Vitale de son patient dans son lecteur : « ‘CMU ---- droits fermés ---- forcer ?’. Immédiatement l’interrogation ne manque pas de surgir : ‘Tiens vous avez la CMU ?’ et la réponse : ‘non, je l’ai eue, mais je ne l’ai plus’. Et la remarque, justifiée ‘C’est toujours marqué’ s’interroge alors, à juste titre le patient », décrit « Cris et chuchotements » dont l’auteur déplore très fortement cette persistance, cette « marque indélébile d’un passé révolu ». Il observe en effet que les patients « n’ont pas forcément envie de porter à la connaissance de tout professionnel de santé rencontré par la suite » ce passage par la case CMU. De fait, même s’il s’agit d’une situation très loin d’être généralisée, la prise en charge des patients relevant de la CMU peut parfois être plus complexe que celle des autres malades, créant une appréhension tant chez les patients que chez les praticiens. Aussi, ne semble-t-il pas nécessaire que cette mention persiste dès lors qu’elle ne renvoie plus à une réalité administrative. 

Ne passez pas par la case « effacement »

L’auteur « Cris et chuchotements » va plus loin : « On imagine de la part de la Sécu, une sorte de préjugé : elle penserait, par exemple, qu’une fois que vous avez été en CMU, c’est un peu comme la prison… même si vous en sortez, vous avez tant de chances d’y retourner que mieux vaut ne pas l’effacer ». Cette comparaison suscitera peut-être quelques commentaires, puisqu’elle suggère un lien entre « pauvreté » et « criminalité ». Cependant, on ne peut en effet que s’interroger avec l’auteur du blog sur cette permanence de l’information, sur sa valeur, son utilité pour les professionnels de santé - alors que savoir que son patient a un jour bénéficié d’une prise en charge à 100 % ou a des enfants pourrait être plus pertinent encore du point de vue médical que de connaître l’existence d’une ouverture de droits à la CMU. 

Un vrai scandale ?

Même s’il n’est pas du tout exclu que cette spécificité ne soit liée qu’à une inattention informatique et même si beaucoup argueront qu’il n’est nullement honteux d’avoir un jour ou l’autre bénéficié de la solidarité nationale, « Cris et chuchotements » crie au scandale : « Le respect de l’intimité de la personne est aussi administratif que médical. Au chapitre des petites humiliations répétitives des prises en charge médicales, ce marquage administratif indélébile, à l'instar de la blouse ouverte, ne respecte pas non plus la dignité et la pudeur des patients.     C'est un pur scandale que la seule information pérenne de la carte vitale soit l’étiquetage discret, mais ineffaçable, d’une situation passée que le patient n’a pas forcément envie de faire connaitre. Cette stigmatisation administrative mériterait une pétition ». Le blog de « Cris et chuchotements » n’ayant pas l’audience d’un Farfadoc et le sujet n’étant peut-être pas apparu aussi marquant que celui des blouses ouvertes, les commentaires n’ont pas été très nombreux. On relève cependant que le sujet ne fait pas l’unanimité mais que certains seraient prêts à soutenir une telle pétition. Et vous ? 

http://www.cris-et-chuchotements.net/article-stigmatisation-cmu-droits-fermes-forcer-124107877-comments.html#anchorComment
Aurélie Haroche

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