lundi 7 juillet 2014

Ecole maternelle : des nouveaux programmes plus ludiques ?

LE MONDE | Par 
Colcanopa pour Le Monde
La maternelle peut-elle redevenir une « petite école » sans renoncer à l'ambition ? Tourner le dos à la tendance à la « primarisation » dénoncée par les enseignants, tout en propulsant les enfants de 3 à 6 ans – un âge auquel la scolarisation n'est pas encore obligatoire – sur le chemin des savoirs ? Le projet de nouveaux programmes publié jeudi 3 juillet tente la synthèse – le grand écart, diront certains – en proposant un mariage de raison.
« Ne pas exclure les connaissances au profit du développement de l'enfant, ne pas exclure le développement au profit des connaissances », résume Isabelle Racoffier, la présidente de l'Association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques (Ageem), qui entraperçoit dans ces propositions une « volonté de tenir les deux bouts ». Et de ne fâcher personne.
« APPRENDRE, GRANDIR ET S'AFFIRMER COMME SUJET SINGULIER »
Qui pourrait ne pas se satisfaire d'« une école bienveillante », « juste pour tous et exigeante pour chacun » ? Une maternelle s'attaquant aux « inégalités de réussites scolaires », y compris celles entre filles et garçons au sujet desquelles le gouvernement dément faire machine arrière ? L'école maternelle de demain, dont la loi d'orientation 2013 a réaffirmé la spécificité en créant un cycle unique – de la petite à la grande section, alors que cette dernière était jusqu'à présent rattachée au cours préparatoire (CP) –, définit « des objectifs d'apprentissage qui ne sont ni prématurés ni anticipés ». Une formulation on ne peut plus prudente.

« Sa mission principale est de donner envie aux enfants d'aller à l'école pour apprendre, grandir et s'affirmer comme sujet singulier. » Cela sonne très différemment de la finalité mise en avant dès la première phrase des programmes de 2008 élaborés par Xavier Darcos dans un esprit de recentrage autour du « lire, écrire, compter ». Il était alors question d'aider chaque enfant à « s'approprier des connaissances et des compétences afin de réussir au CP les apprentissages fondamentaux ».
Entretemps, l'Inspection générale a appelé à repenser les priorités. Son rapport sur la maternelle remis en 2011, mais resté jusqu'au printemps 2012 dans les tiroirs du ministère, avait posé la question : « Ne seraient-ce pas les enfants les plus défavorisés, les plus vulnérables, qui ont le plus à pâtir d'exigences prématurées ? » Une étude du ministère révélée par Le Monde(daté 14 septembre 2013) a pourtant montré qu'en 2011 « les enfants d'ouvriers sont arrivés au niveau où étaient les enfants de cadre en 1997 ». C'était prouver que l'introduction du décodage et d'un travail fin sur la lecture permettait de mieux préparer les enfants défavorisés à la lecture.
APPLIQUÉ EN 2015 APRÈS CONSULTATION DES ENSEIGNANTS
C'est le rapport des inspections qui a servi de base de travail au Conseil supérieur des programmes (CSP) qui vient de communiquer deux projets. L'un s'adresse plutôt aux parents, l'autre aux professionnels de l'école. Son contenu doit être soumis à la consultation des enseignants à l'automne, pour n'entrer en vigueur qu'à la rentrée 2015. D'ici là, la copie peut encore évoluer. D'autant que des voix s'élèvent déjà pour qu'on tienne davantage compte des apports des sciences cognitives.
Les six piliers sur lesquels s'appuyaient les programmes de 2008 ont vécu. Place à trois grands pôles : le premier porte sur le langage, le deuxième entend développer les « interactions entre l'action, les sensations, l'imaginaire, la sensibilité et la pensée », et le dernier pose les bases d'une « première culture mathématique, scientifique et technologique ».
Les tenants du ludique auraient-ils gagné du terrain ? Dans le chapitre consacré aux « modalités d'apprentissage », « apprendre en jouant » précède « apprendre en réfléchissant », «en s'exerçant » et « en se remémorant et en mémorisant ». L'« enjeu de formation » n'en est pas moins central, mais il est formulé de manière tout à fait nouvelle : « Apprendre ensemble pour vivre ensemble ».
« Le mot “jeu” apparaît sept fois dans le texte, observe Sylvie Plane, du CSP, quand le verbe “apprendre” a 128 occurrences ! On ne fait pas table rase des précédents programmes, mais on tente de se débarrasser des écueils en conservant les avancées, comme par exemple les repères de progression donnés aux enseignants. »

D'autres inflexions se dessinent, comme notamment la volonté de rendre lisibles aux élèves eux-mêmes les attendus de l'école. « Reconnaître la place du ludique avec de vrais objectifs cognitifs, mettre l'accent sur la construction d'un rapport positif à l'école, c'est conforme aux attentes des collègues », se réjouit Claire Krepper, du syndicat SE-UNSA. Majoritaire au primaire, le SNUipp-FSU n'a pas encore fait connaître sa position.

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