mardi 17 juin 2014

Frigophobie au Sri Lanka

11/06/2014




« Un certain nombre de syndromes spécifiques aux Chinois et au Sud-est asiatique sont en voie de disparition» écrit Pierre Bugard  dans son Essai de psychologie chinoise, petite chronique sur le bambou (L’Harmattan, 1992). Exemples de telles psychopathologies « exotiques » : « le koro, la frigophobie et le shen kuei. » Le koro constitue une sorte d’angoisse de castration suscitant un « état de panique aiguë lié à l’impression que le pénis est en train de se résorber dans l’abdomen », et le shen kuei une «sensation de faiblesse avec anxiété et préoccupations hypochondriaques, proche de la neurasthénie. » Quant à la frigophobie[1] qui retient ici notre attention, c’est « comme son nom l’indique une véritable phobie du froid et de tout ce qui le symbolise, notamment le principe yin[2] (féminin, froid, obscur, humide). »

Cette maladie « traditionnelle » par « excès de principe yin » se rencontre encore, puisque la revue Transcultural Psychiatry publie un article évoquant « une série de 109 patients atteints de frigophobie au Sri Lanka. » Jadis commune dans les populations rurales du Sri Lanka, cette étrange affection tend toutefois à se raréfier, car « l’industrialisation a changé la manière dont la détresse psychologique est exprimée. » La frigophobie se traduit chez les intéressés par une « peur morbide de la mort », étayée sur des allégations de « froideur des extrémités. » Les sujets concernés par cette peur du « froid mortel » adoptent diverses attitudes contraphobiques : se couvrir de «plusieurs couches de vêtements », s’appliquer des pommades émollientes censées «réchauffer leurs extrémités refroidies », rester toujours près d’un feu, ne prendre un bain qu’en « plein soleil de midi », et proscrire de leur alimentation toute boisson ou nourriture considérées comme « rafraîchissantes. »
Quand ils se croient en danger de « mort imminente », ces sujets frigophobes (en majorité des femmes) acceptent l’aide de la psychiatrie « occidentale. » Laquelle tente de gérer cette problématique « exotique » par analogie avec des angoisses et névroses plus « classiques », en proposant « principalement l’éducation du malade » (sur son trouble) afin de le réassurer, un recours à des « médicaments anxiolytiques si besoin » et/ou des techniques d’inspiration cognitivo-comportementaliste, en l’occurrence une «désensibilisation » à cette phobie en proposant au sujet une « exposition (progressive) à des stimuli froids. »  
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Perera DN et coll.: Frigophobia: A case series from Sri Lanka. Transcultural Psychiatry 2014 ; 51: 176–189.

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