mercredi 14 mai 2014

La première année d'études de santé, un « gâchis humain »

LE MONDE |  |Par 
Le concours d'entrée à la deuxième année d'études de santé, à Marseille-La Timone, en 2012.
Une « fabrique d'exclus », un « gâchis humain » : c'est ainsi que Monique Sassier, médiatrice de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, qualifie la première année commune aux études de santé (Paces), dans son rapport 2014 publié mercredi.
Le malaise de cette filière est identifié. La sélection est terrible. Parmi les 56 000 meilleurs bacheliers des séries scientifiques, seuls 12 807 lauréats (dont 7 492 en médecine) sont gardés, après un an de travaux à marche forcée – le nombre de places est fixé chaque année par un numerus clausus qui varie selon la filière. Cela représente plus de 43 000 déçus chaque année. Dans certaines facultés parisiennes, c'est un carnage : 80 % des bacheliers avec mention « bien » et 20 % des mentions « très bien » sont recalés.
Que deviennent-ils ? Ils ressentent un « sentiment d'abandon par l'institution universitaire », selon la médiatrice.
Non seulement ils doivent faire le deuil d'une vocation et d'un métier valorisant, mais, en plus, les portes des universités se ferment devant eux : « Après deux échecs au concours Paces, j'ai déposé une candidature en licence de sciences du vivant biologie-biochimie et n'ai eu que des refus. Je ne sais plus quoi faire. Titulaire d'un bac scientifique mention “bien”, je n'arrive même pas à m'inscrire dans une autre filière de l'université », écrivait, en septembre 2013, un étudiant dans une lettre-SOS à la médiatrice. « Nous avons eu, en quelques années, quelque 300 saisines de ce type, et il faut donc prendre à bras-le-corps ce problème que tout le monde, étudiants, familles, universités, connaît », suggère Monique Sassier.
Sa première proposition est de mieux informer les bacheliers du niveau de difficulté de ces études et de l'exigence de travail requise, que les professeurs de terminale alertent leurs élèves, voire les incitent à choisir d'autres filières scientifiques – mathématiques, physique, ingénieurs –, qui manquent d'ailleurs de candidats. « Mais faire renoncer un jeune à son rêve est une entreprise délicate », reconnaît-elle. Sa deuxième proposition concerne le programme de cette première année, afin qu'elle ne soit pas uniquement sélective, mais aussi formatrice et que, même si les jeunes échouent au concours, ils puissent valoriser cet acquis ailleurs.
« ACCÉLER LES RÉFORMES »
Le rapport propose aussi d'harmoniser les notations, disparates d'une université à l'autre. Monique Sassier suggère que soient associés au jury du concours des enseignants en maths, physique et sciences de l'ingénieur pour pondérer cette sévérité.
Mais elle insiste surtout sur la nécessité de procédures de réorientation ouvrant des passerelles entre universités, ce qui n'est pas le cas, les solutions proposées restant souvent internes au même établissement et très hétérogènes de l'un à l'autre.
« Les enseignants de médecine ne doivent pas enseigner que pour une élite. Ils doivent accompagner tous les étudiants, y compris ceux qui vont échouer. Un état d'esprit différent doit être instauré dans l'ensemble des universités de médecine », plaide enfin la médiatrice.

La loi Fioraso du 22 juillet 2013 permet des expérimentations en Paces en rénovant son contenu, encourageant la pluridsciplinarité et créant une proximité et des passerelles avec les filières scientifiques. Sept dispositifs expérimentaux ont été validés, à Angers, Paris-V, Paris-VII, Paris-XIII, Rouen, Saint-Etienne et Strasbourg, « mais cela ne suffit pas », estime Mme Sassier, « il faut accélérer les réformes », insiste-t-elle.

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