jeudi 3 avril 2014

E-docteur, le médecin virtuel doit encore bûcher

05/04/2014

Un ordinateur peut-il faire le travail d'un médecin ? E-docteur n'en est pas là. Mais ce service en ligne d'analyse des symptômes, ouvert en février 2014, ouvre la voie à une médecine virtuelle, selon son créateur. « Le système expert utilisé par e-docteur correspond à l’embryon de la pensée d’un médecin », écrit sur son blogle Dr Loic Etienne.
E-docteur recueille les symptômes des patients et fournit en retour des conseils sur l'attitude à avoir (repos, consultation en urgence, etc.). Une sorte de « régulation virtuelle »expliquait le Dr Etienne, lors du lancement de ce service.

Pas question de remplacer une consultation médicale. L'alerte figure d'ailleurs en bonne place sur la page d'accueil du site. Certes... mais e-docteur se targue tout de même de pouvoir « identifier les maladies les plus probables » (parmi plus de 500 pathologies) et d'indiquer la liste des médicaments à « prendre pour se soulager en toute sécurité ».

Testé par des urgentistes

Le service tient-il promesse ? Deux médecins urgentistes ont accepté pour « le Quotidien » de le tester en lui soumettant des cas cliniques. Premier test : le pneumothorax.
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E-docteur démarre l'interrogatoire. Le patient virtuel, un homme de plus de 40 ans, est invité à désigner les zones qui le font souffrir en cliquantsur un corps affiché à l'écran. En l'occurrence, le thorax. Le système demande des précisions. Réponse : « La douleur se localise dans le sein gauche depuis quelques jours. Le symptôme principal est le mal de poitrine. » « Autres symptômes ? », poursuit e-docteur. « Mal au dos. Pas de fièvre. La douleur augmente avec l'inspiration et les mouvements. »
Il n'en faut pas plus à la machine pour livrer son verdict : « Très forte probabilité d'une névralgie intercostale. Faible probabilité d'une fracture spontanée. » Le patient est invité à consulter un médecin dans les deux à trois heures. Un bon conseil, selon nos deux urgentistes. Le diagnostic, lui, est moins pertinent. « La névralgie intercostale est un diagnostic par élimination, lorsque vous n'avez rien trouvé d'autre. Le système n'a pas exploré les autres pistes. »

Symptôme : coma

Les tests s'enchaînent : grossesse extra-utérine, occlusion sur bride, ingestion de champignons vénéneux, hémorragie méningée, pronationdouloureuse... E-docteur ne se montre pas plus perspicace. « Il ne pose pas les bonnes questions pour arriver au diagnostic, déplorent les praticiens. Si un patient se plaint du bras, il faut lui demander s'il arrive ou non à utiliser son membre. Ça ne suffit pas de le questionner sur l'intensité de la douleur. » Même constat concernant le mode d'installation. « La douleur est-elle apparue brutalement ou progressivement ? C'est souvent l'une des clefs du diagnostic. »
L'enchaînement des questions posées par e-docteur les laisse perplexes. « Lorsqu'un symptôme principal est établi, il faut en faire le tour, détailler les signes accompagnateurs, etc. » Au passage, les tests révèlent quelques maladresses, comme l'utilisation du terme « choc » au sens médical (et non pas contusion comme le comprend le patient) et quelques bizarreries, comme le symptôme « coma » qui apparaît au cours de l'interrogatoire... Ou ce patient de plus 60 ans à qui l'on diagnostique une allergie (bien tardive) au lait de vache.
Conclusion de nos spécialistes : e-docteur n'est pas encore prêt pour l'exercice médical sur le terrain. Mais il aurait une marge de progression.« Le système peut apprendre, autant de ses échecs que de ses succès. C’est pourquoi le retour diagnostic est essentiel », explique sur son blogle Dr Etienne, qui indique que le logiciel est testé aux urgences de l'hôpital Lariboisière, à Paris, où il espère collecter 20 000 cas de patients en un an. Une formation accélérée en quelque sorte. 
S. L.

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