jeudi 17 avril 2014

Cancer au travail : « Tu ne vas pas être rentable »

Le Monde.fr | Propos recueillis par 
La double peine des malades du cancer, Chantal Lombardo, 49 ans, la connaît bien. Quand on lui a diagnostiqué un lymphome folliculaire en juin 2011, elle n'imaginait pas que trois ans plus tard, elle serait toujours en arrêt maladie... à cause de son travail.
« Moi qui ai toujours été très active, faire du canapé, ça ne m'était jamais arrivé », confie-t-elle, mi-amusée, mi-amère. Commerciale dans une PME « familiale » de vente de matériel électrique depuis 1997, cette Niçoise a voulu se remettre au travail dès la fin de sa chimiothérapie. C'était il y a plus de deux ans, même si elle a depuis connu des récidives.
A l'époque, elle sollicite un rendez-vous avec son patron et lui demande de revenir par le biais d'un mi-temps thérapeutique. La réponse l'a marquée : « Non. Tu ne vas pas être rentable. »Rentable.
Après avoir vaincu la maladie, Chantal ne pensait pas avoir à sacrifier son travail sur l'autel de la rentabilité. Parmi les cinq autres salariés de l'entreprise, un seul de ses collègues tente alors un timide « tu peux essayer de négocier » pour la réconforter. Les autres se taisent. « Avant, c'était mes amis, regrette-t-elle. Au début, ils étaient sympas, ils prenaient de mes nouvelles. » Et puis, au fil du temps, « ça s'étiole. J'ai fini par ne plus avoir de contact avec eux. Ça fait mal. » Son patron, lui, est resté constant : « Je n'ai jamais eu ni un coup de fil, ni un mail de sa part pour savoir comment j'allais ! », lâche-t-elle dans un éclat de rire sonore.
« L'AUTRE ME COÛTE MOINS CHER »
Peu de temps après lui avoir refusé le mi-temps thérapeutique, son employeur engage une personne pour la remplacer. En CDI.« En septembre 2012, [le patron] m'a dit : “l'autre me coûte moins cher. Donc quand tu reprendras [après ton arrêt maladie], ce sera pour une rupture conventionnelle.” » Elle tombe des nues mais n'a pas l'énergie de se battre. Alors elle s'adapte.
Douloureusement, elle remplit les papiers pour être reconnue « travailleur handicapé ». « Ça a été très difficile. Pour moi, le handicap, c'est un fauteuil », avoue-t-elle. Pour trouver un emploi adapté à sa santé, elle se lance dans un BTS d'assistante de gestion, un métier plus sédentaire que son travail de démarchage. « Je n'ai même pas osé demander à mon patron les heures de formation auxquelles j'avais droit. J'ai demandé l'aide du Conseil général pour le financement. »
COMBINE
Une combine de plus pour cette mère de trois enfants qui, à cause de la maladie et de la diminution de ses revenus, a dû se résoudre à demander de l'aide pour tout. Pour faire ses courses comme pour payer ses charges. « On en prend autant moralement que physiquement. Je n'avais jamais été assistée de quiconque avant », raconte-t-elle. Son léger accent du sud se fait moins chantant. Elle regrette d'être obligée de « penser argent »constamment depuis que son statut est devenu précaire. « On est malade et on est obligé de penser à ça. Ce n'est pas normal. »

Chantal aura 50 ans dans quelques jours. Elle organise une fête pour ses amis qui l'ont toujours soutenue. En septembre, elle devrait entamer une formation pour travailler dans le secteur bancaire. Quant à son arrêt maladie, il prend fin le 22 juin. « Et le 23, je retourne dans mon entreprise pour me faire licencier. »

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