samedi 22 février 2014

Mort d'Antoinette Fouque, pionnière du mouvement féministe

Le Monde.fr avec AFP | 

Figure historique du féminisme français, la psychanalyste et militante Antoinette Fouque est décédée dans la nuit de mercredi 19 à jeudi 20 février à Paris, à l'âge de 77 ans.

Elle avait cofondé le Mouvement de libération des femmes (MLF) avec Monique Wittig et Josiane Chanel, dans la foulée de Mai 68, « en réaction contre le virilisme du mouvement étudiant », une aventure qui avait aussi constitué pour elle « une libération joyeuse ». Sans jamais cesser de lutter par la suite.
LETTRES ET PSYCHANALYSE
Née Grugnardi, le 1er octobre 1936 à Marseille, Antoinette Fouque, diplômée d'études supérieures de lettres et docteur en sciences politiques, fut d'abord enseignante, et parallèlement, à partir de 1964, critique littéraire et traductrice, notamment auxCahiers du Sud et à La Quinzaine littéraire.
Au sein du MLF, cette ancienne étudiante de Roland Barthes, qui suivit une psychanalyse avec Jacques Lacan, fonde et anime le groupe « Psychanalyse et Politique », l'un des courants majeurs du féminisme en France.
Dans la foulée de la création des éditions des Femmes, en 1973, elle ouvre trois librairies « Des Femmes » à Paris, Lyon et Marseille, dirige Le Quotidien des femmes, puis Femmes en mouvement (1978-1982), et inaugure la Bibliothèque des voix, composée de livres-cassettes.

Antoinette Fouque préside aussi l'Alliance française de San Diego aux Etats-Unis (1986-1988), avant de fonder en 1989 L'Alliance des femmes pour la démocratie, dont elle sera présidente.
SUR LE TERRAIN POLITIQUE
Dans les années 90, cette théoricienne du féminisme, aux positions souvent controversées, s'engage nettement sur le terrain politique. Chargée de mission auprès de Michèle André, secrétaire d'Etat aux droits des femmes en 1990, elle fonde deux ans plus tard le club Parité 2000, avant d'être élue au Parlement européen en 1994, sur la liste « Energie radicale » de son compatriote marseillais Bernard Tapie.
A Strasbourg, elle sera vice-présidente de la commission des droits de la femme, et déléguée de l'UE à la conférence mondiale des femmes à Pékin en 1995. Parallèlement, elle est chargée de séminaires en sciences politiques et directrice de recherches à l'université de Saint-Denis.
Commandeur de la Légion d'honneur, grand officier de l'ordre national du Mérite, commandeur des Arts et des Lettres, Antoinette Fouque avait notamment publié Il y a deux sexes(1995, réédité en 2004) et, l'année dernière, était sorti sous sa direction le Dictionnaire universel des créatricesDans un entretien sur le site Internet Au Féminin, à l'occasion de cette publication, elle explique que « ce dictionnaire lève une censure immémoriale sur la création des femmes sous toutes ses formes. C'est un manifeste d'existence »
« Notre révolution était démocratique, pacifique, anthropologique, la plus longue des révolutions puisqu'elle est toujours en cours », dit-elle encore, affirmant avoir souffert, politiquement, « de la misogynie, mais aussi de l'incompréhension du milieu féministe universaliste ». Récemment, sur France Info, elle rejetait le qualificatif de « féministe »qu'elle qualifiait de « servitude volontaire que font certaines pour s'adapter au journal Elle ou à d'autres ». 
« UNE GRANDE ET BELLE VOIX DU FÉMINISME S'EST TUE »
L'annonce de cette disparition a suscité un flot de réactions sur les réseaux sociaux, d'anonymes comme de personnalités. La ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a rendu hommage à cette « grande et belle voix du féminisme » :
« La disparition d'Antoinette Fouque est une immense perte : son engagement intellectuel et militant a marqué d'une empreinte profonde l'histoire du combat pour les droits des femmes. » « Sa contribution à l'émancipation d'une génération de Françaises est immense, et continuera d'inspirer longtemps celles et ceux qui s'engagent pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. »
Pour la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, cette « militante inlassable de la ‘féminologie’, psychanaliste, députée européenne (...), fut aussi une figure culturelle majeure ». Le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, a quant à lui salué la mémoire d'une « grande militante de la cause des femmes, qui a œuvré tout au long de sa vie pour le mouvement féministe et la conquête inlassable de nouveaux droits ».
Sur Twitter, la ministre du logement Cécile Duflot s'est également dite « touchée » par le décès d'« une femme de combats, qui a en particulier si bien et si joliment (re)lié féminisme et maternité ». Un hommage à celle qui citait la naissance de sa fille comme « le moment le plus heureux de sa vie » et ne voulait pas opposer maternité et libération.

« Il ne faut rien céder sur ses désirs. Et le désir d'enfant est le désir premier, le désir de l'autre, que la légalisation de la pilule a permis de libérer. (...) On continue d'opposer la femme qui procrée, renvoyée à la ‘nature’, et l'homme qui crée, unique représentant de la culture, or création et procréation sont indissociablement liés », dit-elle aussi dans son interview au site Au Féminin.

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