jeudi 23 janvier 2014

La majorité se divise au Sénat sur la PPL instaurant des moratoires sur la fermeture des hôpitaux

Ce 22 janvier, la discussion en séance publique de la proposition de loi instaurant un moratoire sur la fermeture des établissements de santé, rejetée, a permis d'ouvrir un débat sur les restructurations hospitalières. Ecologistes et socialistes se sont opposés.
La proposition de loi (PPL) instituant un moratoire sur les fermetures de services et d'établissements de santé ou leur regroupement, discutée en séance publique au Sénat ce 22 janvier, a été rejetée. L'article 1 a été rejeté par 310 voix contre 34, tandis que l'article 2 était rejeté par 310 voix contre 33. Cette PPL, présentée par le groupe Communiste citoyen et républicain (CRC), dont la rapporteure est la sénatrice Laurence Cohen, orthophoniste de profession, avait été rejetée le 14 janvier en commission des Affaires sociales. Cette proposition de loi avait été déposée au Sénat le 2 juillet dernier. Laurence Cohen, qui tenait une conférence de presse le matin, ne se faisait aucune illusion. "J'ai été frappée par la violence des propos que j'ai entendus en commission des Affaires sociales la semaine dernière. Proposer un moratoire n'a pourtant rien de révolutionnaire !" 

Fermeture d'un tiers des maternités


Comme pour défendre sa PPL, Laurence Cohen a rappelé que les restructurations, conséquences des fermetures de service, "coûtaient très chères. Bizarrement les services publics ne sont pas en mesure d'en faire une évaluation". Christophe Prud'homme, responsable du collectif national des médecins CGT, a avancé un chiffre : "La restructuration du centre hospitalier Sud-francilien a coûté 500 millions d'euros !"

Maya Surdut, présente lors de la conférence de presse, membre de l'association Naissance ainsi que du collectif de soutien au Comité des Lilas, a pour sa part rappelé "qu'un tiers des maternités avaient fermé". Laurence Cohen s'est elle aussi inquiétée, parmi toutes les fermetures de service, de la situation des maternités : "Alors que les maternités de niveau 1 ferment, on expérimente des maisons de naissance pour défendre des intérêts privés." Isabelle Pasquet, sénatrice CRC des Bouches du Rhône, a réfuté les arguments présentés par Jacky Le Menn, sénateur socialiste, lors de la discussion de cette PPL en commission des Affaires sociales. Le sénateur arguait de la mise en place de la SNS, qui permettrait un développement des maisons de santé et centres de santé, pour pallier la restructuration du paysage hospitalier. "C'est totalement faux"

Pas de soutien de la FHF

Eliane Assassi, présidente du groupe CRC au Sénat, a abondé dans son sens, dénonçant la fermeture de centres de santé, à Drancy. Si cette PPL a reçu le soutien d'une centaine de personnes, de syndicats, dont la CGT mais aussi Sud Santé, la FHF, étrangement, ne l'a pas soutenue. "La Fédération ne défendait guère que des moratoires sur des fermetures de lits, des hôpitaux locaux", précise Laurence Cohen. En commission des Affaires sociales, l'ensemble des groupes politiques s'est prononcé contre cette PPL, à l'exception du groupe CRC qui a voté pour, et du groupe  Europe écologie les verts (EELV), qui s'est abstenu. En séance publique en revanche, EELV s'est prononcé en faveur des deux articles de la PPL, s'opposant par là même au groupe socialiste, avec qui il compose la majorité au pouvoir. Lors des débats préalables au vote, Isabelle Pasquet (CRC) a mis le doigt sur les "centres de santé de la Mutualité à Marseille qui sont menacés. Voter un moratoire nous permettrait de lancer un débat démocratique sur notre politique de santé". Catherine Genisson, sénatrice socialiste, a reconnu que "cette PPL permettait d'ouvrir un débat sur les restructurations, mais que le moratoire est une solution inadaptée. Les restructurations hospitalières doivent prendre en compte l'organisation des soins autour du patient, il faut associer le premier recours, comme nous y invite la SNS"

Marisol Touraine pour la coopération entre petites et grandes structures

Marisol Touraine, présente en séance, a répondu à chacune des interventions. A Isabelle Pasquet, qui reprochait au gouvernement de s'acharner sur les petites structures, la ministre de la Santé a déclaré"qu'il ne faut pas opposer petites et grandes structures, mais développer des coopérations, pour la prise en charge de certains soins, dans ces petites structures". Marisol Touraine s'est déclarée en accord avec le sénateur Gérard Roche, groupe UDI, qui a souligné que le problème de la qualité des soins devait être pris en compte dans les décisions d'autorisation ou de fermeture de services ou d'établissements. A Aline Archimbaud, sénatrice groupe EEL, Marisol Touraine a assuré que la future loi de santé serait axée sur la démocratie sanitaire, en développant entre autres les droits collectifs. De nombreux sénateurs ont aussi dénoncé la situation catastrophique de nombre d'hôpitaux. Au centre hospitalier de Fontainebleau, où 15 lits ont été fermés, surchargeant en conséquence les urgences, le budget pour les emplois précaires a explosé, afin de compenser le manque de personnels. L'hôpital Beaujon (92) est menacé, tandis qu'à l'hôpital Sainte Périne (Paris 16e), des patientes, par manque de personnel, ont été retrouvées mortes, étranglée par une ceinture de contention pour l'une, ou encore morte de froid, après une fuite, pour l'autre. Laurence Cohen, qui s'est félicitée d'avoir ouvert le débat grâce à cette PPL, a conclu la séance en posant à l'assemblée présente cette question : "Mais pourquoi donc un moratoire vous fait-il si peur ?"
Jean-Bernard Gervais 

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