dimanche 15 décembre 2013

Des pédagogies alternatives marginalisées par le ministère

LE MONDE | 
Le dernier rapport PISA suscite de nombreuses interprétations. Il s'agit ici de réfléchir aux pistes qui permettraient d'améliorer ces résultats. Je me concentrerai sur les leviers internes à la classe à partir d'une réflexion sur la pédagogie alternative.
J'ai en effet dirigé une recherche sur la mise en oeuvre de la « pédagogie Freinet » dans un groupe scolaire (de la maternelle au CM2) de la banlieue lilloise, accueillant des élèves aux conditions de vie parfois très précaires et dont les résultats étaient plus faibles que ceux des écoles avoisinantes, avec un taux d'incivilités plus important. La recherche a porté sur de multiples dimensions : apprentissages disciplinaires, rapports à l'école et aux savoirs, discipline et rapport aux normes.

TOUT N'EST PAS MAGIQUE
Sur quels principes repose cette démarche ? J'insisterai ici sur cinq d'entre eux. Tout d'abord, l'école essaie de faire vivre la démocratie, hic et nunc : les règles sont élaborées par les conseils d'élèves, expérimentées, modifiées. Par ailleurs, il n'y a pas de souffrances inutiles : les élèves peuvent boire s'ils ont soif, parler entre eux (à voix basse), se déplacer… et pourtant les visiteurs sont étonnés du calme qui règne.
La coopération est privilégiée : les élèves s'entraident. Les apprentissages partent des questions des élèves. La diversité des démarches des élèves est respectée : rythmes, temps nécessaire à chacun. Les apprentissages sont sécurisés : les élèves peuvent se tromper ; ils osent donc prendre des risques, à l'opposé de nombre de ceux d'autres écoles en France.
Les résultats ont été nets, voire étonnants. Sur toutes ces dimensions, les performances ou fonctionnements de chacun se sont améliorés. On remarque, par exemple, une meilleure qualité d'écoute et une plus grande aisance à l'oral, le développement d'un rapport positif au savoir et d'un grand engagement dans le travail, des sollicitations plus adaptées de l'aide des adultes.
De surcroît, certaines dimensions se sont améliorées en moins de trois mois : baisse nette des incivilités, engagement dans l'écriture et augmentation de la longueur des écrits produits. Bien sûr, tout n'est pas magique : on note, par exemple, une progression en orthographe plus lente ou une appropriation du lexique scolaire traditionnel moins assurée. Mais les élèves issus de ce groupe scolaire réussissent aussi bien que les autres au collège, avec même des gains, en termes d'autonomie dans le travail par exemple. Et, non seulement les résultats s'améliorent, mais les écarts entre élèves n'augmentent pas.
UNE VÉRITABLE FORMATION DES MAÎTRES
Mais les principes de la démarche alternative dont nous parlons ici peuvent-ils être transférés au système scolaire classique ? Oui, même si la réponse est complexe dans la mesure où ces éléments nécessitent une véritable formation des maîtres et un engagement important.
Cependant, derrière des pratiques apparemment différentes, on retrouve ces principes dans nombre d'expériences qui marchent, notamment dans les réseaux de difficultés sociales et scolaires, dans les dispositifs et écoles de lutte contre le décrochage, dans les écoles de la seconde chance.

Nous savons donc ce qui peut contribuer à améliorer le climat scolaire et les performances des élèves. Ce qui est rejeté en marge de l'institution offre des perspectives de lutte contre les difficultés scolaires. Reste à savoir combien d'enquêtes PISA devront encore être publiées avant que les politiques tentent enfin d'aider les élèves par des solutions éprouvées.

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