lundi 25 novembre 2013

Dieu, ADN et dépression

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | Par 
La neurothéologie est la discipline qui étudie les relations entre les phénomènes religieux et la biologie du cerveau. Boostée par les spectaculaires progrès des NBIC (nanotechnologies, biologie, informatique et sciences cognitives), cette branche des neurosciences ouvre d'immenses questions philosophiques sur notre libre arbitre. Les progrès des sciences du cerveau poussent les scientifiques à étudier les bases biologiques de nos émotions y compris spirituelles.
Les liens entre génétique, foi et cerveau commencent à peine à être étudiés. Le sujet est sensible : il est légitimement troublant pour les croyants d'envisager que leur foi est imposée par leur biologie cérébrale et leur ADN et non le fruit d'une rencontre spirituelle avec la transcendance. Le lien entre notre patrimoine génétique, notre activité cérébrale et nos croyances devient un enjeu scientifique non dénué d'arrière-pensées.
Si les études scientifiques visant à comprendre la biologie de la foi ont été négligées, cette situation est en train de changer. On a longtemps voulu penser que la croyance protège des maladies psychiatriques et favorise l'épanouissement des gens. Une étude récente invalide cependant le postulat que la croyance est un rempart contre la dépression. Une équipe de chercheurs dirigée par Michael King, de l'University College de Londres, et publiée en septembre dans Psychological Medicine a analysé une cohorte de 8 318 personnes suivies par des médecins généralistes à travers sept pays. Les individus ayant les convictions spirituelles les plus fortes avaient deux fois plus de risques de connaître une dépression majeure dans l'année.
Loin de libérer le corps, la croyance s'accompagnerait d'un mal-être ! En réalité, le sens du lien entre dépression, foi et ADN est encore mal connu. Il se peut que ce ne soit pas la croyance en Dieu qui rende dépressif, mais que la sélection darwinienne ait, parmi les individus prédisposés génétiquement à la dépression grave, favorisé ceux qui étaient porteurs de mutations génétiques favorisant la croyance et donc réduisant leur risque suicidaire. Notre propension à croire pourrait, ainsi, être liée à notre patrimoine génétique.
Le généticien américain Dean Hamer pense d'ailleurs avoir trouvé une influence du gène VMAT2 (vesicular monoamine transporter 2) sur notre foi. Un variant de ce qu'il a appelé le « gène de Dieu » induirait une capacité à vivre des expériences spirituelles. Problème : ses résultats controversés n'ont toujours pas été confirmés.
Pour autant, cette question complexe passionne les neurobiologistes : l'ADN fait-il de notre cerveau un organe mystique ? Si les religions monothéistes sont très réticentes au développement de la neurothéologie, les bouddhistes s'y investissent avec enthousiasme. Depuis une décennie, le dalaï-lama se passionne pour cette discipline et participe à des colloques sur le contrôle cérébral des sentiments religieux. Dès 2005, il prononçait le discours inaugural de la conférence de la Société américaine de neurosciences, et il suit de près les expériences neurotechniques et la biologie des sentiments religieux. Une chose est certaine : l'exploration des liens entre foi, génétique et cerveau ne pourra être durablement ignorée. Très en avance sur ce terrain, le bouddhisme sera-t-il la religion de l'ère biotechnologique ?

Chirurgien urologue, président de DNAVision l.alexandre@dnavision.be

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