vendredi 25 octobre 2013

En marge de la FIAC, une foire d'art brut tout confort

LE MONDE | Par 
D'habitude, dans les foires, le galeriste est sur son stand. Ici, il est dans sa chambre, une vraie chambre avec lit et salle de bains à l'entrée. La première édition parisienne de l'Outsider Art Fair, qui se déroule en même temps que la FIAC, a lieu dans un hôtel, Le A, qui a trouvé là un moyen de se distinguer.
L'Outsider Art Fair, ce qui peut se traduire par « foire d'art brut », a été fondé à New York il y a vingt et un ans. Des 24 galeries présentes –– 4 par étage, 6 étages et le bar au rez-de-chaussée ––, la moitié viennent donc de New York, Baltimore ou Oakland. Les autres sont établies à Londres, Turin, Lausanne, Tokyo ou Paris.
Cette diversité géographique et l'existence même de la foire démontrent que les créations artistiques autodidactes ou marginales, venues des prisons ou des asiles pour certaines, intéressent des amateurs et des collectionneurs partout et de plus en plus. A la Halle Saint-Pierre, la Collection Abcd et la Maison Rouge ont eu un rôle déterminant dans ce processus, qui a même tourné à la mode puisqu'il s'affiche à la Biennale de Venise.
Et s'affiche donc dans un hôtel chic d'un arrondissement chic. Le paradoxe est flagrant : dessins, peintures et sculptures nés dans des conditions parfois misérables, souvent douloureuses, dans l'enfermement ou la maladie, en dehors de tout espoir de reconnaissance et de toute pensée de vente, sont montrés et vendus avec tout le confort désirable –– montrés comme des objets d'art alors qu'ils répondaient à de tout autres nécessités, l'exorcisme ou l'ex-voto, la prière ou l'aveu. Il pourrait y avoir, dans cette contradiction matière à indignation. Mais ce sentiment ne peut durer, parce que les œuvres sont, pour certaines, d'une intensité et d'une singularité si grandes qu'on en oublie les circonstances. L'émotion et la stupeur que suscitent les dessins d'encre et de peinture de Dan Miller ne permettent pas d'hésiter. Ce que l'on a là sous les yeux appartient à l'essentiel de la création actuelle. Ces griffures du papier, ces lettres enchevêtrées, ces tracés et ces grattages font voir ce que l'on peut à peine penser, l'effondrement du langage, l'éparpillement de la conscience.

TALISMANS
A l'inverse, les schémas chimiques, cosmogoniques et anatomiques de Daniel Martin Diaz inventent un ordre –– un ordre absurde et mythique comme les hommes aiment tant à les construire pour les vénérer. Les croquis maculés et déchirés de Melvin Way répondent au même dessein : ce sont des talismans.
Quelques galeristes ont jugé opportun de venir avec leurs « valeurs sûres », Aloïse Corbaz, Anna Zemankova, Henry Darger, Louis Soutter ou Jules Lesage. Ainsi garantissent-ils à la foire son côté didactique, qui est utile. Mais on peut préférer s'attarder chez ceux qui présentent des créateurs moins largement reconnus, l'Américain Charles Steffen ou l'Iranien Mehrdad Rashidi, dessinateurs fabuleux, ou le Britannique Richard C. Smith, dont les sculptures de bois polychromes auraient électrisé André Breton.


L'Outsider Art Fair. Hôtel Le A, 4, rue d'Artois, Paris, 8e. Les 25 et 26 octobre de 11 heures à 20 heures, le 27 de 12 heures à 18 heures. Entrée : 15 €. Outsideartfair.com

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