vendredi 16 août 2013

Hospitalisation sous contrainte


La gauche ferme les yeux sur les turpitudes de la psychiatrie française

C’était une belle occasion, la loi sur l’hospitalisation sous contrainte lourdement censurée par le conseil constitutionnel devait être modifiée. L’occasion de remettre en cause un système ancien qui enferme de plus en plus de nos contemporains est perdue pour longtemps.
Pourtant, la commission parlementaire était bien partie. Beaucoup d’auditions très intéressantes. Le constat est simple : 78 312 personnes en France hospitalisées en 2011 contre leur gré. C’est à comparer au nombre de détenus lui aussi inflationniste qui est aujourd’hui de 68 000.  Les hospitalisations sous contrainte sont en augmentation de 44% en 5 ans, sur 20 ans elles ont doublé. Evidement cela pose problème. C’est de la liberté, de l’intégrité et de la sûreté des dizaines de milliers de personnes  dont il s’agit.
Le rapporteur PS de la commission parlementaire avance quelques explications sur cette inflation :
  • « La protection de la responsabilité des psychiatres ».  Surtout depuis qu’une des leurs a été condamnée à une peine d’un an de prison avec sursis pour avoir laissé sortir un patient qui est devenu meurtrier. Vu d’un psychiatre, pour ne prendre aucun risque et comme c’est si facile, pourquoi ne pas se protéger en privant avec un certificat stéréotypé un patient de ses droits fondamentaux ? Ne sont-ils pas payés pour prendre leurs responsabilités ? Est-ce que c’est acceptable ? Non évidemment. Est-ce qu’on va faire quelque chose pour empêcher les dérives ? Non. Aucune des propositions de la commission parlementaire n’est de nature à endiguer cette vague montante. Je détaillerai plus loin les nouvelles dispositions pour identifier si elles sont de nature à traiter le problème posé. On verra que non.
  • « L’usage de la contrainte pour avoir accès à un lit» : il y a eu toute une politique de réduction des lits en psychiatrie. De plus en plus les familles recourent à des hospitalisations sous contrainte parce que c’est un moyen plus facile d’obtenir une prise en charge d’un patient. Là il s’agit de la responsabilité du pouvoir politique et de l’administration de la santé.  On pourrait penser que cette diminution du nombre de lits suite à des coupures budgétaires par ces temps de crise ? Apparemment non. Le rapporteur PS note que cette baisse du nombre de lits  ne « s’est pas vraiment traduit par une baisse en terme de budget ». Est-ce que c’est acceptable dans un pays moderne ? Non évidemment. Est-ce qu’on va faire quelque chose pour créer des lits. Non. Rien dans la loi sur ce sujet.
  • « La pression sociale : de plus en plus de gens se retrouvent aujourd’hui dans des situations de détresse, y compris financières. Cela doit quand même jouer sur la santé mentale… » Y aurait-il de plus en plus de maladies mentales à cause de la crise ? Il ne suffit pas qu’il y ait plus de maladies mentales. Il faut aussi qu’elles se caractérisent par un danger grave pour le patient lui-même ou pour autrui. Évidement, la nouvelle loi n’apporte rien sur ce registre.
  • « Le défaut des familles ». Hélas, les patients ne peuvent même plus avoir le soutien de leurs proches. Des associations de proches de patient affichent ouvertement leur volonté de voir faciliter les hospitalisations sous contrainte et durcir les conditions pour en sortir. Sur leurs sites internet on y trouve des conseils pour contrer les tentations « au nom du dogme de la liberté » de certains JLD qui pourraient prononcer des mainlevées (acte judiciaire par lequel sont suspendus les effets de mesures prises à l'encontre d'une personne)… Y a t-il quelque chose dans la nouvelle loi sur ce sujet ? Toujours non.
Le diagnostic est posé. Le problème est grave, à terme nous sommes tous potentiellement menacés. Mais on va se contenter d’améliorations à la marge. C’est un peu comme si on disait : « l’esclavage ce n’est pas acceptable pour les droits de l’homme… On va allonger la longueur des chaînes ».
Le nombre d’hospitalisation sous contrainte est un aspect du problème assez visible. Même si la réalité statistique fait débat. L’administration de la santé n’est même pas capable de dire exactement ce qu’il en est. C’est Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, nommé par le Président de la République qui fournit les chiffres. On ne peut pas le soupçonner d’être un antipsychiatrique primaire. C’est un ancien Vice Président de la section du contentieux au Conseil d’État. Il fait un travail remarquable mais qui reste lettre morte. Par exemple il relève que de plus en plus les équipes médicales abusent des mesures d’isolement, de contention, de « camisole chimique » ou d’interdiction de téléphoner, recevoir du courrier ou voir ses proches non pas avec des visées thérapeutiques mais pour des raisons disciplinaires. Il note dans son rapport annuel 2012 : « Des sanctions déguisées peuvent concerner des éléments très concrets de la vie quotidienne des patients. Officiellement, il s’agit de «mesures de soin prises dans l’intérêt du malade (…) » Bien sur, il n’y a aucune traçabilité ni possibilité de recours. « De tels traitements ne font l’objet d’aucun contrôle puisqu’il s’agit officiellement d’un soin effectué pour le bien du patient». C’est clairement contraire au droit européen, voire à un minimum d’éthique mais le corps médical n’en a que faire.  Jean-Marie Delarue rappelle « il s’agit d’une norme du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Est-ce que la nouvelle loi apporte quelque chose sur ces questions ? Toujours non.
Le problème de fond n’est pas traité. Je ne suis que le père d’un fils pris dans l’engrenage infernal de la psychiatrie depuis quelques mois. Je n’ai pas une vision complète de tous ces problèmes mais il me semble qu’un aspect central est celui du corps médical qui est le plus souvent concentré sur des préoccupations endogènes. Son pouvoir est immense. Face à cela il devrait y avoir un contre pouvoir. On pourrait penser que dans un secteur avec de tels risques on ait de longue date mis en place des mécanismes vertueux comme l’analyse des risques, la traçabilité, l’analyse des écarts voir des signaux faibles, des contrôles internes et externes, etc. Non, à part des rideaux de fumée il n’y a rien d’efficace. Les Commissions des relations avec les usagers et de la qualité (CRUQ) et les Commission des hospitalisations psychiatrique (CDHP) soit ne fonctionnent pas soit sont simplement des antichambres qui avalisent systématiquement les décisions des psychiatres. Les patients y sont représentés par des associations triées sur le volet qui très souvent militent pour encore plus de soins sous contrainte. Le référentiel de la haute autorité de la santé (HAS) pour la certification des hôpitaux n’est même pas conforme aux normes du CPT.
Plus grave, le corps médical se fait justice lui même. Les UMD sont peuplées soit d’anciens détenus ayant commis des actes graves et déclarés irresponsables, soit de patients ayant eu à un moment ou un autre maille à partir avec des soignants. Les premiers sont passés par le système judicaire avec des enquêtes approfondies, des expertises, des faits établis, une procédure contradictoire et des droits de la défense. Pour les derniers, nul besoin de procédure apportant quelques garanties vis à vis des droits de l’homme. Il suffit qu’un psychiatre dise « celui-ci est malade et dangereux » pour se retrouver en UMD. Parce que certaines UMD sont moins regardantes que d’autre pour accepter presque n’importe qui. Une fois en UMD, difficile d’en sortir comme l’a dénoncé récemment Jean-Marie Delarue. Là encore est-ce que la nouvelle loi va apporter quelque chose ? Ce n’est pas très clair. La notion de « casier médical » est supprimée pour satisfaire le conseil constitutionnel, tant mieux, tout le monde était contre. Sauf si j’ai mal compris, le placement en UMD est assimilé à un acte médical comme placer un patient dans un service de réanimation. Il n’y aurait pas lieu de légiférer sur le sujet. Pourtant un séjour en UMD est loin d’être anodin. D’abord il y a l’éloignement géographique. Pour certain, ceux pour qui l’entourage est néfaste ou qui sont en rupture avec leur famille c’est un moindre mal. Pour ceux qui pourraient en bénéficier, on les prive de relation sociale et affective. Est-ce que c’est une bonne idée pour des patients pour qui la parole et le lien ont une importance capitale. De plus le dialogue entre soignants et l’entourage du patient est souvent utile d’un point de vue thérapeutique. Il y a le régime pire que carcéral. L’enfermement, le fait d’être toujours observé, le droit à rien sans autorisation du psychiatre, pas de téléphone portable, appels téléphoniques sans confidentialité au compte goutte avec des créneaux fixes, tabac rationné à heure fixe, pas d’intimité lors des visites, chicanerie pour avoir des visites, etc. Je passe sur les aberrations d’une organisation particulièrement bureaucratique qui fait ce qu’elle veut. Par exemple les visiteurs des patients n’ont pas le droit de garder sur eux leur téléphone portable. Pourquoi ? Parce que c’est le règlement. Même pour pouvoir prendre une photo de son enfant il faut l’accord explicite du psychiatre. Le rapporteur PS dit que les patients en UMD y restent « en moyenne de 125 à 252 jours selon les unités ». D’où sortent ces chiffres ? Il s’agit sans doute d’une statistique sur les patients qui sont sortis d’une UMD.  Qu’en est t-il de ceux qui y sont toujours. Nombreux sont ceux qui y sont depuis des années. Certains sans aucune justification médicale. C’est Jean-Marie Delarue qui révèle que des patients sont toujours en UMD alors qu’ils ont eu le feu vert de la commission de suivi médical de longue date (jusqu’à 2,5 ans) parce que les hôpitaux se renvoient la balle. A la sortie de l’UMD, pour ceux qui en sortent, le patient doit revenir dans l’hôpital d’origine. Peu importe que cette équipe ait été en échec ou qu’il y ait un contentieux lié à des maltraitances. C’est comme ça. Et si entre temps la famille a changé de région, c’est pareil.  D’après le médecin chef de l’UMD d’Albi, un de ses soucis est qu’il est fréquent que lors du retour dans l’hôpital d’origine le patient soit mis d’office en isolement en attendant de trouver une autre solution. Pas évident parce que lorsqu’on sort d’une UMD personne ne veut de vous. Certes, il n’y a plus dans la loi cette notion de « casier médical » mais cela ne va pas changer grand chose. Reste le dossier médical. Evidement le patient n’a pas accès à son dossier médical. Il n’y a que les psychiatres qui ne respectent pas la loi Kouchner de 2002 pourtant très claire. Même lorsqu’un patient demande qu’une copie de son dossier soit transmise à un médecin de son choix, il ne l’obtient pas. Dans le meilleur des cas le psychiatre lui rédige un document qui résume son hospitalisation mais il ne s’agit pas du dossier médical avec tous les certificats médicaux, les prescriptions, les comptes rendus, les échanges entre médecins etc. Cela ne choque personne. Le secret médical existe pour protéger les patients et non pas les médecins. Bref, séjourner en UMD n’est pas anodin vis à vis des droits fondamentaux. Sur quel critères y sera t-on transféré demain ? Quel recours sera possible ? Comment pourra intervenir le JLD sur cet aspect du soin sans consentement ? Mystère.
Au fait, que fait la justice ? Pas grand-chose. Ce qui est curieux c’est que les décisions de mainlevée sont rares (moins de 5% des ordonnances) mais lorsqu’elles interviennent c’est sur des arguments juridiques qui se retrouvent dans de très nombreux dossiers. Par exemple un certificat médical pas assez circonstancié en particulier pour établir la dangerosité du patient, un non respect du contradictoire, des délégations de signatures non-justifiées, etc. Dans le cas que je connais bien le patient n’a pas été présenté au bout de 15 jours devant le JLD après une SPDRE. Pour le commun des mortels c’est un non respect flagrant de la loi. Lorsque le JLD a été saisi, il a osé écrire que la preuve de la non-présentation devant un JLD au bout de 15 jours n’avait pas été apportée par le patient. D’abord est-ce que c’est à lui d’apporter des preuves ? On pourrait penser que c’est à l’hôpital de répondre mais non l’administration de la  santé n’est pas tenue de fournir un dossier complet. Et puis comment prouver quelque chose qui n’a pas eu lieu ? Et les avocats, que font-ils ? Dans la plus grande majorité des cas ils sont commis d’office. Payés au lance pierre, très peu de temps pour s’emparer du dossier, pas spécialement formés sur des procédures complexes qui elles sont parfaitement maîtrisées par l’administration de la santé. Il existe des avocats spécialisés, évidemment très chers et ne prenant pas l’aide judiciaire, débordés et pas toujours diligents.
Alors finalement, que change cette loi ? Difficile de se faire une idée à partir du texte de loi. Entre les articles abrogés et ceux qui sont modifiés il faut être très pointu pour y retrouver ses petits. Je vais donc me baser sur les 17 propositions issues de la commission parlementaire. Au moins elles sont claires. Certaines ont été retouchées lors des débats à l’assemblée nationale.
Les unités pour malades difficiles (UMD)
1. Introduire dans l’article L. 3222-3 du code de la santé publique les critères et la procédure d’admission en unité pour malades difficiles.
En fait l’article L. 3222-3 a été abrogé. Où seront définis ces critères et qu’elle sera la procédure ? Je ne sais pas. J’ai expliqué en quoi le séjour dans une UMD était loin d’être anodin pour les droits fondamentaux mais il n’y aurait pas lieu de légiférer sur le sujet. C’est la porte ouverte à n’importe quoi. La compétence médicale ne suffit pas pour donner des valeurs morales permettant de juger si on peut porter atteinte à des droits fondamentaux d’un patient. La fausse bonne nouvelle pourrait être que la procédure pour sortir d’une UMD devrait être plus facile. Il faut être naïf pour y croire. Demain il sera toujours aussi stigmatisant d’être dans une UMD. Ce n’est pas la suppression de cet article qui va empêcher les psychiatres et les préfets  d’ouvrir le parapluie.
2. Maintenir un régime particulier pour la mainlevée des mesures de soins sans consentement dont font l’objet les irresponsables pénaux ayant commis un crime. Pas grand chose de neuf donc dans la loi, elle précise pour quels types de crimes s’applique ce régime. C’est un très léger progrès mais qui ne change rien sur les fondamentaux.
Les soins sans consentement
3. Substituer la notion de placement en soins sans consentement à celle d’admission.
Voilà une belle avancée qui change bien des choses. On se moque du monde. C’est comme dire non-voyant au lieu d’aveugle.
4. Maintenir en l’état l’intervention du préfet dans la procédure de soins sans consentement et poursuivre la réflexion sur les personnes compétentes pour décider d’une hospitalisation sous contrainte.
Là encore on ne fait rien, on réfléchit. On va encore essayer de comprendre pourquoi la machine s’emballe. Cela fait des décennies que cela dure, cela peut durer encore.
5. Poursuivre la réflexion sur le principe et les modalités du contrôle judiciaire de l’hospitalisation des mineurs.
Même remarque que pour la proposition précédente.
6. Mettre en place des moyens adaptés pour amener à l’hôpital une personne objet d’un placement.
Là il s’agit de rendre plus facile sur le plan pratique les hospitalisations sous contrainte.
7. Améliorer les conditions de prise en charge des personnes placées en soins sans consentement en procédant effectivement à leur examen somatique à leur admission dans l’établissement de santé puis durant leur traitement.
Cela parait incroyable mais les cas de décès à l’hôpital pour des affections somatiques non traitées n’est pas rare. A quoi ça sert que les psychiatres passent par une formation de médecin ?
L’intervention du juge des libertés et de la détention
8. Ramener de quinze jours à cinq jours le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer sur le placement.
On a d’avoir d’abord envisagé 5, puis 10, finalement cela sera 12 jours au lieu de 15 actuellement. Belle avancée ! Cela change quelque chose au problème ? Il s’agit quand même d’une privation de liberté. Imaginez que dans d’autres cas de privation de liberté on fasse pareil. Des gardes à vue de 12 jours avant la décision d’un juge… Les préfectures sont organisées pour pouvoir prendre un arrêté de SPDRE en quelques heures mais on n’a pas les moyens de faire intervenir un JLD avant 12 jours… Il n’y a aucune raison de ne pas présenter un patient au plus tôt au JLD dès lors que le patient ne s’y oppose pas. La loi doit l’imposer tout en fixant une limite comme pour les gardes à vue. Le JLD doit s’assurer que les choses ont été faites en toute diligence pour respecter la loi. Ce n’est pas une élucubration, c’est moins exigeant qu’une recommandation de l’assemblée européenne qui date de 2004, « en cas de placement non volontaire, la décision de placement dans un établissement psychiatrique doit être prise par un juge et la durée du placement doit être précisée ».
9. Rendre obligatoire l’assistance d’un avocat et modifier à cette fin l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique.
C’est quand même la moindre des choses que des patients potentiellement en difficulté soient assistés. Il a fallu attendre 2013 pour y arriver. Ceci dit, est-ce que cela va changer quelque chose sur le fond ? Vu le peu de décisions de mainlevée alors que les anomalies sont légions on peut penser que non.
10. Tenir l’audience du juge en chambre du conseil, sauf demande de la personne placée ou décision d’office contraire du juge.
Cela va dans le bon sens mais on est à la marge.
11. Tenir les audiences de première instance dans l’emprise de l’établissement de santé sous réserve d’une salle adaptée, permettant, si elle est décidée, la publicité de l’audience ; le juge pourra s’il considère que l’affaire le nécessite tenir l’audience au palais de justice, sa décision étant une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours.
Là encore c’est du bon sens mais cela ne change pas le fond du problème.
12. Réserver l’audience par visioconférence aux seuls cas de force majeure.
Même remarque que pour la proposition précédente.
13. Améliorer la formation des magistrats en instaurant des stages dans des unités psychiatriques.
Former les magistrats est indispensable. Et les avocats ? Par ailleurs, est-ce que les psychiatres qui s’assoient sur la loi par exemple sur l’accès au dossier médical ou sur des pratiques disciplinaires déguisées en actes de soin sont les mieux placés pour cette formation ?
14. Améliorer l’information des malades sur leurs droits par l’établissement d’un livret d’accueil type dans lequel figurerait l’information sur les recours juridictionnels ainsi que les conditions de leur exercice.
C’est du bon sens mais pas de nature à changer les choses. Ces livrets d’accueil sont déjà censés exister dans chaque hôpital.
Le suivi des soins
15. Introduire l’obligation d’un certificat médical actualisé en cas d’appel.
C’est purement formel. Produire des certificats médicaux stéréotypés  n’a jamais été un problème lorsqu’un psychiatre ne souhaite pas la sortie d’un patient. Très rares sont les JLD qui n’acceptent pas des certificats insuffisamment circonstanciés. Les psychiatres savent très bien employer les mots qui vont bien. Il suffit d’écrire « il a telle pathologie avec des signes de dangerosité ».
16. Autoriser, des sorties d’essai de courte durée, ne s’analysant pas comme le terme d’un placement, et sans condition de l’établissement préalable d’un programme de soins.
C’est une avancée légère. C’est la loi de 2011 qui avait supprimé les sorties. Les soignants vont avoir un moyen de pression de plus : « si tu n’es pas sage, pas de sortie ».
17. Modifier la composition des commissions départementales des soins psychiatriques, en y ajoutant davantage de personnes n’appartenant pas au monde médical.
C’est une avancée, elle aussi légère. Des juges et des avocats vont pouvoir siéger dans ces commissions. Dans beaucoup de départements ces commissions ne fonctionnent pas faute de moyens et là où elles se réunissent, bien rare sont les cas où elles ne sont pas très tolérantes avec les hôpitaux. Leur niveau d’exigence est très loin des standards du CPT. Alors que Jean-Marie Delarue nous alerte tous les ans sur les dérives du système, est-ce qu’il y a quelque chose qui remonte de ces commissions ?
Au final, aucun recul heureusement mais très peu d’avancées, aucune de nature à infléchir les choses.
Pourtant tout le monde parait satisfait :
  • La gauche, qui porte cette nouvelle loi ne veut surtout pas taper dans la fourmilière. Finalement elle ancre pour longtemps le dispositif sécuritaire qui ne date pas que du gouvernement précédent. Pourquoi ? Mystère. Elle nous promet une réflexion plus globale sur la psychiatrie. Vu l’impulsion donnée il ne faut pas s’attendre à des remises en causes.
  • La droite finalement s’y retrouverait presque. Pas grand chose n’est changée dans l’arsenal sécuritaire.
  • Les professionnels de santé aussi sont contents. On allège un peu les contraintes sur les aspects administratifs. Avec la caution de la gauche, il y a moins d’état d’âme à enfermer dans le silence. Certains se sont réveillés en 2008 en s’offusquant du discours de Nicolas Sarkozy puis de la loi de 2011. Ils n’ont toujours pas identifié leur responsabilité dans la dérive d’internement.
  • Les associations ? Quand elles ne militent pas pour plus de contraintes et moins de paperasse, elles se satisfont de très peu. Cela flatte beaucoup leur égo d’être citées partout comme étant à l’origine de la censure du conseil constitutionnel et donc de cette nouvelle loi. A part le syndicat de la magistrature, personne ne bouge.
  • Les électeurs ? Tant qu’ils ne sont pas concernés directement par ces problèmes les gens s’en fichent. Cela rassure tout le monde que ces patients soient enfermés. Le risque est devenu inacceptable. La notion de risque est particulièrement subjective. Le cerveau humain est ainsi fait qu’il prend peur et donc prend moult précautions pour certaines choses pas spécialement dangereuses et à l’inverse s’accommode très bien  de situations à risques avérés. Les patients sont plus souvent victime de violence qu’auteurs eux-mêmes de violences. Ce qui se passe dans les hôpitaux psychiatriques n’empêche personne de dormir.
  • Reste les patients. Ils ne votent pas. Impossible de s’organiser. Ils sont réduits à leur maladie. Un fait qui devrait nous alerter, souvent les détenus hospitalisés sous contrainte n’aspirent qu’à une chose : sortir de l’hôpital au plus vite. Quitte à revenir en prison. Ils s’y sentent plus libre et au moins, là ils savent quand ils pourront sortir.
Alors que faudrait-il faire pour inverser la tendance ? Encore une fois je n’ai pas une vision complète du sujet mais je ne manque pas d’idées pour améliorer les choses en profondeur :
  • Réinterroger la formation initiale des psychiatres et des infirmiers psychiatriques. Les psychiatres sont d’abord des médecins classiques (bac +6). A quoi cela leur sert ? Pas évident, vu qu’ils ne pratiquent pas ils doivent assez vite oublier tout ce qui n’est pas dans leur quotidien. La formation en DES de psychiatrie dure 4 ans. C’est essentiellement des stages. Le volume de formation théorique varie selon les universités, il est de l’ordre de 250 heures. Cela parait être très peu. Par exemple, il a seulement 10 heures de cours sur la schizophrénie. La formation des psychologues n’est-elle pas plus approfondie ?
    Les infirmiers n’ont plus de spécialisation en psychiatrie. Il arrive qu’ils se retrouvent dans ce secteur tout simplement parce qu’il n’y a que là qu’on recrute. Est-ce que c’est une bonne chose ?
  • Mettre en place une formation continue des soignants avec une évaluation périodique des compétences et un système d’habilitation.
  • Mettre en place comme dans les activités à risque (nucléaire, aéronautique, …) un organisme externe de contrôle réellement compétent avec des pouvoirs coercitifs. Cet organisme devrait pouvoir faire des inspections, programmées ou inopinées. Il doit être partie prenante de l’analyse des écarts et des évènements indésirables avec un système de gradation en fonction de la gravité.
  • Former les juges et les avocats aux spécificités de ce domaine.
  • Faire assister systématiquement le patient par un avocat formé dès la première heure de l’hospitalisation. Cela paraît normal pour les gardes à vue. C’est tout simplement imposé par la Convention européenne des droits de l’Homme. L’avocat doit pouvoir accéder à l’ensemble du dossier, solliciter l’avis d’un médecin de son choix ou de celui du patient pour avoir un avis sur les actes pratiqués et les certificats légaux établis. Il doit pouvoir assister le patient tant que dure l’hospitalisation sous contrainte. Bien sur il faut notablement revaloriser l’aide juridictionnelle.
  • Systématiquement présenter le patient au JLD en préalable à toute décision de transfert en UMD. On ne va jamais en UMD en urgence. Donc il n’y a aucune raison qu’une décision aussi lourde pour un patient soit prise dans son dos et celui de ses proches sans une procédure contradictoire. 
Voilà, je ne suis pas un expert de ce domaine que j’aurais bien aimé ne jamais connaitre. Je pourrai sans doute être contredit sur certains points par d’autres qui ont plus d’expériences. En principe je m’appuie soit sur des situations réelles que j’ai moi-même vécues soit sur des sites officiels comme celui de Jean-Marie Delarue insoupçonnables d’être noyauté par des scientologues.
Reste une question qui me taraude et que je n’ai pas vu très clairement posée (mais je n’ai pas tout épluché). Est-ce qu’au delà des situations de crise, en général courtes, cela a du sens dans le domaine de la santé mentale de soigner quelqu’un contre son gré ?
Normalement l'hospitalisation sans consentement devrait être une mesure d'exception puisque le patient doit normalement être associé à la démarche thérapeutique. Dans beaucoup de cas la médecine n’a pas beaucoup de moyen pour soulager les souffrances de ces patients. Les traitements ont une relative efficacité mais aussi des effets iatrogènes. Alors que l’alliance thérapeutique est fondamentale dans ce domaine, est-ce une bonne idée de s’en priver ?
C’est déjà une grande souffrance d’avoir son enfant touché par la maladie. Certes les dérives ne sont pas généralisées mais elles existent et sont loin d’être marginales. Bien sur il y a des structures, des équipes, des soignants exemplaires. Mais lorsque l’on tombe mal c’est terrible. Ensuite lorsqu’on se rend compte que la justice ne fait pas son travail, que vous pouvez en savoir plus sur le sujet que bien des avocats, que les associations sont soit complices, soit sans moyen, soit sur d’autres combats égotiques, soit noyautés par l’église de la scientologie et que les politiques, ne s’emparent pas du problème, il faut s’accrocher pour rester rationnel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire