mardi 20 août 2013

Deux compères un peu timbrés

A travers 160 œuvres, le musée de la Poste expose l’excentricité de Gaston Chaissac et de Jean Dubuffet.

Quand ils ne s’écrivent pas, Gaston Chaissac et Jean Dubuffet composent des œuvres sophistiquées, écologiques avant l’heure, ils n’ont pas peur de la récupération. Ou des «couleurs dégueulasses»,comme l’annonce Chaissac, «peintre de village» en action sur le couvercle d’une caisse d’imprimerie, ou même d’une lessiveuse, entre deux pots de confiture et la cuisson de girolles.
«Ciment». Le support ne fait pas l’artiste, trop facile, la fantaisie ne se nourrit pas de produits manufacturés. Ni l’un ni l’autre ne jouent aux tontons flingueurs, même s’ils se plaisent à se brûler la politesse et à s’échanger quelques impertinences chères aux gens d’expériences. «C’est incroyable qu’on a pas pensé plus tôt au ciment pour les tableaux», écrit ainsi Chaissac à Dubuffet (1947).
Nul affrontement, donc, au musée de la Poste de Paris, qui n’a pas cherché à établir d’inutiles alliances, plutôt à exposer chronologiquement les œuvres, 160 au total, un palmarès ensoleillé, avec des trésors qui font rosir de bonheur. Comme ce Paysage rosé avec petit animal (1949), une gouache signée Dubuffet, en provenance du musée Unterlinden de Colmar. Tout est si délicat, et l’on s’essaie à suivre la circulation de la main dans cette dentelle de traits, et l’on croit reconnaître la tête d’une biche, c’est possible, Dubuffet et une biche, faudrait pas perdre les pédales ?
Il y a une vraie jubilation à parcourir chaque territoire, qui résonne des tournures spirituelles des deux iconoclastes, de leurs humeurs et de leur fureur inventive. Ici, chez Chaissac, Madame Cruche (1947) a les pieds de travers et sa dame de compagnie, si c’en est une, ressemble à une sirène battue par la mer ; là, chez Dubuffet, bon appétit devant Table au jambon et deux carafes (1953) exécutée juste après Table corail, qui donne la mesure de l’appétit du bien nommé Dubuffet. Les commissaires, Josette-Yolande Rasle et Gaëlle Rageot-Deshayes, ont pris soin de montrer, en plus des tableaux, les sculptures et autres objets planants identifiés. Ce sont des morceaux d’archéologie instantanée, de la poésie à l’état brut et qui décoiffe : il y a, entre autres, le Boudeur (1959) de Dubuffet, en bois de plage, et une huile sur seau en tôle, hardiment revigorée par Chaissac en 1956, et qu’il n’a pas titrée. Si l’on vient en compagnie d’enfants, cette idée pas bête : offrir des titres aux œuvres sans nom de Chaissac.
Collector. A la fin, il faut prévoir un arrêt minute à la boutique pour acheter les quatre timbres collector édités à l’occasion de cette merveilleuse exposition. C’est le bon moment pour acheter leurs œuvres, vous ne trouverez pas moins cher. «Supercocasse», aurait dit Chaissac. «Ah la vache», aurait pu répondre Dubuffet, qui s’y connaissait en mammifère femelle, en stylo-bille bleu et en gentillesse.
Chaissac-Dubuffet, entre plume et pinceau Musée de la Poste, 34, bd de Vaugirard, 75015. Jusqu’au 28 septembre. Rens. :www.laposte.fr/adressemusee

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