samedi 6 juillet 2013

Les députés socialistes proposent une loi révisant le dispositif des soins sans consentement


Une proposition de loi relative aux soins sans consentement a fait l'objet d'un dépôt officiel ce 4 juillet. Les députés du groupe SRC prévoient notamment de réviser le statut des UMD, de réintroduire les sorties de courte durée et de faire une règle de la tenue des audiences foraines à l'hôpital.

Une proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie, signée par les membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC) a été déposée ce 4 juillet à l'Assemblée nationale. Le texte s’attache d'une part à apporter les améliorations d’ordre législatif requises par la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 (lire notre sujet du 23/04/2012 et notre analyse du 04/10/2012). Il prévoit également de modifier les dispositions de la loi du 5 juillet 2011 sur certains aspects ayant fait l’objet "d’un large assentiment parmi les personnes auditionnées par la mission "Santé mentale et avenir de la psychiatrie" et parmi ses membres", indiquent les députés dans l'exposé de leurs motifs. Cette proposition de loi s'est en effet nourrie des travaux menés depuis plusieurs mois, et toujours en cours, par le député Denys Robiliard (SRC, Loir-et-Cher) (lire nos sujets du 31/05/2013 et du 23/05/2013). Le législateur est en effet tenu de réviser la loi avant le 1er octobre 2013, à la suite d'une censure partielle par les Sages (lire notre sujet du 23/04/2012), une échéance très attendue par de nombreux acteurs de la psychiatrie (lire notre sujet du 18/11/2012 et notre analyse du 04/10/2012).
 

Plus de statut légal pour les UMD

En premier lieu, il est proposé de ne plus donner de statut légal aux Unités pour malades difficiles (UMD). Le Code de la santé publique (CSP) prévoit aujourd’hui qu’elles accueillent "les personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète en application (...) du code de procédure pénale (…) lorsqu’elles présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique". Il est apparu aux députés qu’il n’y avait pas "davantage lieu de légiférer à propos d’un tel service de "soins intensifs" qu’il n’est légiféré à propos, par exemple, d’un service de réanimation". Cette proposition va de pair avec la suppression du régime spécifique de levée par le représentant de l’Etat ou de mainlevée par le juge des mesures de soins sans consentement dont font l’objet les personnes séjournant ou ayant séjourné en UMD. S’agissant des personnes pénalement irresponsables, il est en revanche paru nécessaire aux promoteurs de la proposition de loi de maintenir un régime juridique spécifique de sorte que, "quand des actes d’une particulière gravité ont été commis, la sortie d’hospitalisation ne puisse intervenir qu’après une étude approfondie de la situation psychiatrique de l’intéressé". Les députés proposent également de reprendre à un niveau législatif la garantie des droits des irresponsables pénaux et de préciser le régime actuel leur étant applicable, qui ne distingue pas en fonction de la gravité des faits commis. Ils entendent également appliquer les dispositions de levée des soins sans consentement prévues pour les irresponsables pénaux uniquement pour les personnes ayant commis des faits encourant des peines d'un certain niveau d'emprisonnement. 

Réintroduction des sorties de courte durée

La proposition de loi réintroduit par ailleurs la possibilité de sorties de courte durée supprimée par la loi de 2011. Actuellement est prévue la possibilité de prescrire un programme de soins ambulatoires, dispositif qui se révèle dans la pratique et dans les textes être un véritable imbroglio aux yeux des professionnels du secteur (lire nos sujets du 17/10/2012). Les sorties seraient en pratique également dissuadées, du fait de la lourdeur du dispositif. Par ailleurs, un article de la proposition de loi modifie le CSP, de sorte qu’un détenu puisse être hospitalisé en Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) sous le régime de l’hospitalisation libre. "Un détenu atteint de troubles psychiatriques qui consent à ses soins doit en effet pouvoir être pris en charge en hospitalisation complète", soulignent les députés. Le texte proposé entend aussi réviser le régime judiciaire de contrôle des soins sous contrainte. Ils proposent de ramener le délai du contrôle de quinze jours à dix jours en précisant que le Juge des libertés et de la détention (JLD) doit être saisi dans les six jours suivant l’admission du patient, par le représentant  de l’État dans le département ou par le directeur de l’établissement d’accueil du patient. Il supprime en conséquence la production du "certificat médical de huit jours" destiné au JLD. 

Les audiences foraines accueillies à l'hôpital 


Un article de la proposition de loi prévoit par ailleurs que le JLD statue dans "une salle d’audience attribuée au ministère de la Justice située sur l’emprise de l’établissement de santé où est pris en charge le patient ou d’un autre  établissement de santé". Lorsque l'on ne pourra pas disposer d'une telle salle, "assurant la clarté, la sécurité et la sincérité des débats ainsi que l’accès du public" le cas échéant, donc l'indépendance de la justice, le juge statuera au siège du Tribunal de grande instance (TGI). De plus, l’emploi de la visioconférence ne devra être utilisé qu’en cas d’impossibilité de procéder autrement. 

Concernant la publicité de l'audience, questionnée par les acteurs de la psychiatrie, les députés ont souligné sa nécessité, s’agissant notamment d’un contrôle établi dans l’intérêt de la protection de la liberté individuelle dont le juge est le gardien constitutionnel. "Cette nécessité est renforcée quand les audiences se tiennent sur l’emprise de l’hôpital et non au palais de justice, elle participe de la manifestation de l’indépendance de la justice", appuient les élus. "Toutefois, si la publicité est maintenue pour ces raisons de principe, l’intérêt pour le patient que l’audience puisse tenir en chambre du conseil au regard de la protection de l’intimité de la vie privée et du secret médical est évident", poursuivent-ils. Ils proposent donc de modifier la rédaction de la loi du 5 juillet 2011 de façon à faire apparaître clairement que les débats pourront avoir lieu ou se poursuivre en chambre du conseil notamment si l’une des parties le demande. De plus, si l’assistance d'un avocat est actuellement prévue par la loi, l’obligation de cette assistance n’était pas fixée dans les textes et cette proposition de loi y remédie.


La proposition devrait être examinée par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée le 17 juillet et discutée dans l’hémicycle le 25 juillet. Enfin, ne voulant pas réduire les problématiques de la psychiatrie aux soins sans consentement, la mission prolonge ses travaux sur les autres enjeux de la psychiatrie, parallèlement au dépôt de la proposition de loi, a indiqué le rapporteur Denys Robiliard dans un communiqué ce 4 juillet.
Caroline Cordier

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