mardi 18 juin 2013

Témoignages de malades en action

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 

"J'avais le choix de pleurer sur mon sort ou de me redresser"
Jocelyne Moignet, bénévole au Centre ressource, lieu d'accompagnement pour les personnes atteintes de cancer.
Je commençais tout juste ma retraite lorsque, en mars 2007, le diagnostic tombe, après plusieurs mois de douleurs digestives intenses : cancer du pancréas avec métastases au foie", se souvient Jocelyne Moignet. Elle a 61 ans. C'est l'effondrement, la colère.
Elle se précipite sur Internet, qui donnait un pronostic de survie très faible. "Je me suis alors orientée vers le docteur Jean-Loup Mouysset, oncologue, qui convient de la gravité de mon cancer. Malgré ma confiance relative dans le monde médical, je décide d'être soignée", explique Jocelyne Moignet. Huit jours plus tard, le traitement de chimiothérapie démarre. "J'ai alors réglé tout ce que je devais faire en moins de trois mois. Au-delà de cette période, chaque jour qui passait était un jour de bonheur. J'avais le choix : pleurer sur mon sort ou me redresser, j'ai choisi la deuxième option", raconte aujourd'hui cette femme énergique, qui défie les records de survie depuis l'annonce de son cancer.
Le docteur Mouysset lui a suggéré d'aller au Centre ressource, à Aix-en-Provence, qui propose un accompagnement pendant et après les traitements. Elle a suivi des soins d'ostéopathie, de sophrologie, puis le Programme personnalisé d'accompagnement thérapeutique (PPACT), proposé sur un an, qui comprend un suivi personnalisé avec des ateliers (sport, aquagym, yoga, nutrition), un soutien social, psychologique, avec des groupes de discussions.
"Il est très important de savoir que vous avez un lieu qui peut vous accueillir sans que vous soyez considéré comme un phénomène", raconte Jocelyne Moignet. Un lieu cosy, de surcroît. Cette ancienne éducatrice spécialisée est aujourd'hui bénévole au Centre ressource. "Etre acteur, ça fait une grande différence, ajoute le docteur Mouysset. L'annonce d'un cancer génère un tel stress qu'il est nécessaire d'être accompagné", souligne le médecin. Ce centre, il y pense depuis une vingtaine d'années. Il se fonde sur les travaux du professeur David Spiegel, psychiatre américain, qui avait publié une étude en 1989 dans The Lancet, montrant un doublement du temps de survie des patientes atteintes d'un cancer du sein métastatique quand leur est proposé, en plus de la prise en charge médicale classique, un groupe de parole appelé "soutien-expression".
Ouvert en octobre 2011, le Centre ressource a accueilli plus de 550 adhérents. Chaque malade ou ses proches peuvent rejoindre le centre en payant une adhésion selon ses moyens. Mais le centre n'a toujours pas de financement pérenne. Si particuliers et entreprises ont fait des dons, le docteur Mouysset espère que "les institutions reconnaîtront cette démarche et participeront à son financement".
Ce médecin a pour ambition de développer d'autres centres en France. Trois doivent ouvrir cette année, à Antibes, Gap et Rennes.
"Jamais plus le silence, le non-dit"
Pierre Gilibert, 62 ans. Fondateur d'une école de la sclérose en plaques.
C'est un coup de massue quand le diagnostic tombe : sclérose en plaques (SEP). Une maladie qui touche quelque 80 000 personnes en France - un quart des cas environ évoluant de manière bénigne. Pour mieux vivre avec la maladie, Pierre Gilibert, militant à l'Association des paralysés de France (APF), a eu l'idée de lancer une école de la SEP, à Lyon. "Nous n'avons rien inventé, dit-il modestement, c'est Geneviève Tychon [présidente de la ligue belge de la SEP] qui a créé une telle école en Belgique. Jamais plus le silence, le non-dit. Tout pourra être dit, questionné."
Cet homme de 62 ans a souffert de ne pas être assez informé. A 33 ans, un ami, chirurgien orthopédiste réputé, l'oriente d'abord vers un neurologue. Mais c'est son ophtalmologiste qui lui annonce sa maladie. Son histoire est singulière. En réalité, il avait déjà eu une première poussée de la maladie sous la forme d'une névrite optique à l'âge de 22 ans - il était alors étudiant à HEC -, qui avait été soignée. Le diagnostic avait alors été posé, mais ses parents le lui ont caché et sont morts sans lui en avoir jamais parlé.
Fils unique, Pierre Gilibert a dû gérer seul cette souffrance. Son épouse, en quête d'information, se fera "envoyer balader", dit-il, par une neurologue. Il va alors se faire soigner par Sandra Vukusic, professeure de neurologie au CHU de Lyon, chez qui il trouve ce qu'il appelle "un supplément d'âme". C'est à elle qu'il parle, quinze ans plus tard, du projet d'école pour la région Rhône-Alpes.
Les premiers cours ont commencé au printemps 2010. "Cette école s'adresse à des patients nouvellement diagnostiqués ou qui, après avoir passé la phase habituelle de déni, sont à la recherche d'informations", explique Pierre Gilibert. Une série de cours est proposée durant quatre samedis matin, sur une durée de presque deux mois. Une contribution symbolique de 20 euros est demandée à chaque participant. La dernière session s'est tenue à Lyon le 20 avril, avec une cinquantaine d'"élèves", sous forme de table ronde. Plusieurs soignants (neurologues, médecins rééducateurs, psychologues, assistantes sociales, infirmières...) sont là pour répondre aux questions que les patients n'osent parfois pas poser à leur propre médecin. Outre l'aspect médical, le programme aborde aussi la vie de couple, la grossesse, la relation aux autres, la prise en charge sociale, la vie professionnelle, etc.
"Faire une école permet de lever les tabous, d'éviter le côté "on m'a dit que", et montre que l'on n'est pas seul ; cela permet aussi aux proches de dédramatiser, explique la professeure Vukusic. Suivre ces cours permet d'arriver à mieux vivre avec." La spécialiste le recommande à tous ses patients. Les échos sont très positifs : "Au début de cette maladie, on est un peu perdu. On a plein d'informations dans le désordre et souvent floues et aussi tant de questions. Aujourd'hui, je suis "éclairée" sur le sujet", dit Christelle. "Ce n'est pas parce que je suis malade que la vie s'arrête", dit Karim, un autre participant.
Outre Rhône-Alpes, l'école est présente dans trois régions : Nord, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pierre Gilibert rêve que chaque région en France puisse avoir son école dans les cinq ans. Ce cadre chez EDF, père de trois enfants, qui a souhaité garder une activité malgré son handicap, espère bien y arriver, en alliant courage et ténacité.
"Votre enfant est hyperactif"
Une mère, cofondatrice d'une association sur le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.
Ce n'est qu'après des années d'errance, de questionnements, que le diagnostic de trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) a été posé pour Ludovic (son prénom a été modifié pour préserver son anonymat). Il avait alors 17 ans.
Pourtant, dès son plus jeune âge, sa maman avait l'impression que son fils"manquait d'autonomie". "Il ne s'habillait pas seul, était tout le temps en décalage", se souvient-elle. En CP, ses copains l'appelaient "le Martien". Puis, au fil des ans, les rendez-vous auprès des médecins, psychologues, se succèdent, mais "rien d'anormal n'est décelé".
A l'école primaire, les enseignants constatent que l'enfant n'est pas concentré, a des problèmes d'attention, sans plus. Au collège, ses résultats scolaires commencent à baisser, il oublie sans cesse ses affaires, ne note pas ses cours, ses devoirs, il est collé régulièrement, est rejeté par les autres enfants. Après de nombreux rendez-vous chez des médecins, psychologues... c'est un pédopsychiatre de l'hôpital Robert-Debré, à Paris, qui pose le diagnostic, en 2002 : "Je pense que votre enfant esthyperactif."
Cette mère part alors en quête d'information sur Internet. Il n'existe aucun site français à l'époque, mais des sites francophones canadiens et belges. Avec d'autres parents rencontrés sur un forum, elle décide alors, en 2002, de créer une association. Celle-ci regroupe des personnes concernées par ce trouble, personnellement atteintes, ou des proches l'étant.
Ludovic a obtenu son baccalauréat, ne prend plus de méthylphénidate (Ritaline), a aujourd'hui un travail, fait un métier qu'il aime, même s'il a quelques soucis de gestion administrative dans sa vie privée, car il est distrait.
La plupart des parents ont été confrontés à cette errance de diagnostics, une incompréhension de la part de l'entourage familial, médical, scolaire."Les enseignants, souvent en difficulté face aux enfants ayant un TDAH, vont parfois jusqu'à interpréter cela comme une défaillance de l'encadrement parental", explique cette cofondatrice de l'Association TDAH France, qui compte 1 200 adhérents et 3 800 familles depuis 2002.
L'objectif de l'association est donc d'aider les familles à avoir un juste diagnostic, de leur donner accès à une bonne connaissance du trouble, de son mode de fonctionnement, et de proposer une aide scolaire, etc. En respectant la singularité de chaque enfant.

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