mardi 18 juin 2013

Meurtre d'Agnès Marin : au cœur du procès, un jeune perturbé et un suivi défaillant

LE MONDE | 
Un dimanche d'août 2010, Matthieu M. a convaincu Julie, une de ses amies du village de Nages-et-Solorgues (Gard), de l'accompagner dans les bois. Il avait 16 ans, elle en avait 15. A un moment, Matthieu a laissé Julie passer devant lui et elle a soudain senti la lame d'un couteau sous sa gorge. Il l'a amenée au pied d'un arbre aux branches duquel des lacets avaient été préalablement noués, lui a attaché les poignets, l'a bâillonnée avec un foulard, l'a violée et l'a relâchée en lui faisant promettre de ne rien dire.
Julie a tout raconté, Matthieu M. a été mis en examen pour viol et placé en détention provisoire pendant quatre mois. En novembre 2010, il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, et il a intégré l'internat du Cévenol au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire).
Un an plus tard, le 16 novembre 2011, l'adolescent a convaincu Agnès, une de ses camarades du collège âgée de 13 ans, de partir avec elle dans un lieu escarpé au bord du Lignon pour aller "ramasser des champignons hallucinogènes". En fin d'après-midi, il est revenu seul, en tentant de dissimuler son visage strié de griffures. Le corps calciné de la jeune fille a été retrouvé deux jours plus tard. Agnès avait été bâillonnée, violée après avoir été attachée à un arbre à l'aide de cordelettes et poignardée. Dix-sept plaies à l'arme blanche ont été relevées sur elle. Confondu par des témoignages et par l'ADN, Matthieu M. a fini par avouer le crime.
REMISE EN LIBERTÉ
Son procès s'ouvre mardi 18 juin pour dix jours devant la cour d'assises des mineurs de Haute-Loire au Puy-en-Velay. Renvoyé pour les deux viols et pour assassinat – le juge d'instruction a considéré que le meurtre d'Agnès avait été prémédité –, Matthieu M. encourt la réclusion criminelle à perpétuité si la cour, du fait de la récidive, ne retient pas l'atténuation de peine reconnue aux accusés mineurs.
L'enjeu de ce procès est de savoir qui est Matthieu M., mais aussi de comprendre comment et pourquoi sa dangerosité a échappé aux radars. Le jeune homme a d'abord suivi le parcours "ordinaire" d'un accusé mis en examen pour viol. En détention provisoire, il est soumis à une première expertise psychiatrique. Le docteur Claude Aiguesvives signe un rapport très favorable. Matthieu M., observe-t-il, "n'a pas de troubles à dimension perverse". Le psychiatre exclut toute "psychopathie", relève que l'adolescent se livre "à une autocritique sincère et authentique" sur les faits qui lui sont reprochés et assure qu'il ne présente pas de dangerosité. Dès lors, conclut-il, "un suivi en ambulatoire est suffisant".
Les parents du jeune homme, et particulièrement son père, enseignant, se démènent pour obtenir sa remise en liberté. Après avoir essuyé de multiples refus, Dominique M. finit par convaincre le directeur du Cévenol d'accueillir son fils. Aux enquêteurs, ce père dira que, s'il n'a pas cherché à cacher la gravité des faits qui avaient motivé l'incarcération de son fils, il n'a pas prononcé le mot de "viol".
"JE MENS TOUT LE TEMPS"
Le Cévenol est un établissement protestant qui a l'habitude des jeunes en déshérence. Matthieu M. se fait vite remarquer pour des problèmes de comportement : il consomme pas mal d'alcool, exhibe ses relations sexuelles avec sa petite amie, interne elle aussi, et est surpris un jour en train de tenter de télécharger un film pédopornographique. Menacé de renvoi, l'adolescent promet de s'amender et débute une nouvelle année scolaire en septembre 2011. Deux mois plus tard, il viole et tue Agnès Marin.
L'analyse des deux collèges d'experts qui l'examinent alors est opposée à la première. Ils dressent le portrait d'un jeune homme psychotique, au"fonctionnement pervers", présentant "une dangerosité majeure". Matthieu M. déclare lui-même au juge d'instruction en octobre 2012 : "Si à chaque fois que je le sentais venir, je passais à l'acte, il y aurait plus que deux victimes."
Aux éducateurs de l'établissement pour mineurs où il est incarcéré après le meurtre d'Agnès Marin, il confie : "Un psy, ça ne sert à rien, je mens tout le temps." Quand on lui rappelle les conclusions du premier expert sur sa non-dangerosité, il ajoute : "Dans ma tête, je savais que c'était tout le contraire..."

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