dimanche 9 juin 2013

Les asexuels font leur coming-out

Le Monde.fr avec AFP | 


Un défilé pour sensibiliser la population à l'asexualité, le 3 juillet 2010 à Londres.
Un défilé pour sensibiliser la population à l'asexualité, le 3 juillet 2010 à Londres.
| anemoneprojectors (Flickr sous license Creative Common)


Julien n'a jamais éprouvé de désir physique, ni pour son ex-petite amie, ni pour les hommes d'ailleurs. À l'image de tous les "asexuels" qui ont décidé de sortir de l'ombre, ce vendredi 26 avril, qu'ils revendiquent comme une journée pour mieux faire connaître leur différence.

"J'ai compris que j'étais asexuel en regardant un programme télé un soir", explique cet ingénieur-informaticien de 27 ans qui, auparavant, ne se sentait "pas normal", mais avait tendance à "refouler". Avec son ex-petite amie, Julien faisait bien l'amour, mais davantage pour lui faire plaisir que pour partager ses propres envies, désirs, fantasmes ou pulsions. Depuis, Julien a navigué sur quelques sites spécialisés, et rencontré une autre jeune femme, comme lui asexuelle, avec qui il partage une relation heureuse – et chaste.

"LA SOCIÉTÉ PRÉSENTE LE SEXE COMME UNE OBLIGATION"
Lui et ses semblables "asexuels" représenteraient 1 % de la population dans le monde, d'après les estimations d'un professeur canadien de la Brock University, Anthony Bogaert. Et ils commencent à s'organiser pour sortir de l'ombre. L'Asexual Visibility and Education Network (AVEN), fondé en 2001 par l'Américain David Jay, revendique 70 000 membres à travers le monde.
En France, l'Association pour la visibilité des asexuels (AVA) revendique"la reconnaissance de l'asexualité comme une orientation sexuelle à part entière". "La société présente le sexe comme une obligation", analyse Paul, vice-président de l'AVA, qui regrette que l'absence de vie érotique soit considérée comme une sorte de tare. "L'asexualité fait partie de la diversité des sexualités humaines et c'est bien plus important de reconnaître son existence que d'essayer de la critiquer", proclame-t-il. Pas simple de vivre cette différence dans une société qui fait de l'épanouissement sexuel l'une des clés du bien-être.
Il y a deux ans, une journaliste parisienne, Sophie Fontanel, avait raconté qu'elle avait cessé de faire l'amour dans un roman intitulé l'Envie. Des critiques lui ont reproché de ne pas aimer les hommes, voire d'être dépressive. Son livre s'était tout de même bien vendu, jusqu'à 1 000 exemplaires par jour. Des lectrices lui ont su gré d'avoir mis des mots sur leurs propre absence de désir.
MOINS BIEN PERÇUS QUE LES HOMOSEXUELS
Dans l'intimité, les histoires d'amour avec les "sexuels" sont plus compliquées qu'une romance normale : "J'ai rencontré une femme il y a environ 5 mois et je suis tombé amoureux (...), mais le désir sexuel ne vient pas et je sens qu'elle prend ses distances, bien que ce soit très dur pour elle car elle m'aime profondément... Quelle souffrance... J'en pleure de rage..."écrit sur un site spécialisé un inconnu qui se présente sous le surnom d'Empatic de Lyon (centre-est).
D'après Paul, le vice-président de l'AVA, beaucoup d'asexuels se mettent en couple avec d'autres asexuels. Pour le chercheur Anthony Bogaert, ils subissent aussi des discriminations: "Ils sont moins bien perçus par la moyenne des hétérosexuels que les gays et les lesbiennes."
Le mot a commencé à faire parler de lui avec l'émergence d'Internet et des forums spécialisés à la fin des années 1990. En 2010, une semaine de l'asexualité a été organisée avec des actions de sensibilisation, notamment aux Etats-Unis. Les organisateurs de la Journée de l'asexualité en France prévoient des initiatives modestes, comme l'envoi de poèmes sur un site spécialisé.

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