samedi 4 mai 2013

Le handicap est moins lourd dans l'eau

LE MONDE SPORT ET FORME | 

La piscine du Dôme de Vincennes accueille les cours de l'association Lapla'jh le vendredi soir.
La piscine du Dôme de Vincennes accueille les cours de l'association Lapla'jh le vendredi soir. | RENAUD BOUCHEZ Pour Le Monde

L'eau, terrain de jeux résolument hostile aux personnes handicapées ? On vous rétorquera qu'un corps, quel qu'il soit, plongé dans un liquide chloré à une température raisonnablement chaude en ressortira forcément heureux. Prenez Nathalie, Josépha et Merouane qui se rendent une fois par semaine, le vendredi soir, à la piscine du Dôme de Vincennes.
Nathalie est hémiplégique de la moitié du corps, Josépha souffre d'un problème psycho-moteur au niveau des jambes. Merouane est atteint de surdité et de troubles neuromusculaires. Mais dans l'eau, chacun abandonne ses origines et ses failles. Leur cours de piscine adapté dure une heure, et se déroule sans paravent au milieu des autres nageurs.
Les chaises roulantes sont disposées au bord de la piscine. "Le personnel est accueillant. Ils nous laissent nous fondre dans la masse sans qu'il y ait de créneau réservé. C'est bien car il faut faire avec le regard des autres. Et on montre également que le handicap, si lourd soit-il, n'est pas si insurmontable que ça", indique Nathalie Dagnet, qui a créé en 2009 l'association Lapla'jh - pour "Les activités physiques ludo-aquatiques, joker du handicap".
Hormis une certaine maîtrise du jeu de mots acronymique, Nathalie Dagnet est intarissable sur les bienfaits des activités proposées par ses soins. "Ma question initiale était la suivante : quand le handicap persiste et que l'on veut sortir de la spirale médicale, de la rééducation, tout en pratiquant une activité physique, que doit-on faire ? se souvient-elle.Nous proposons des activités adaptées, loin du secteur médical où se retrouvent trop souvent nos bénéficiaires. Ce sont des activités qui leur permettent d'entretenir leur physique, de construire leur bien-être par leurs propres moyens, entourés d'un personnel compétent. On allie la sécurité au ludique et même au festif afin de permettre de mieux vivre son handicap, en complémentarité avec les centres de rééducation."
RELAXATION AQUATIQUE ET IMMERSION TOTALE
Nathalie, Josépha et Merouane ont chacun leur aide personnalisée, grâce à trois étudiants spécialisés présents ce soir-là, même si le cours reste éminemment collectif et ludique. Ils font par exemple l'étoile dans l'eau en se touchant les pieds, ou des jeux avec des cerceaux et des ballons à ne pas faire tomber dans l'eau.
Les trois compères boxent l'eau de différentes façons durant de longues minutes. Une tâche plutôt éprouvante pour eux, mais qu'ils accomplissent avec entrain. Puis viennent les activités d'immersion. Merouane et Josépha adorent faire le poisson, mais Nathalie est plus rétive.
"Nos bénéficiaires nous disent ce qu'ils veulent puis on les oriente vers des pistes qu'ils n'avaient pas explorées, vers des activités qu'ils n'avaient jamais envisagées, comme la relaxation aquatique ou des jeux d'immersion totale, raconte Nathalie Dagnet. L'eau est bénéfique pour la santé. Elle fait baisser la tension, le rythme cardiaque, et favorise la régulation du débit sanguin."
Les jeux sont à peine interrompus par l'arrivée de Marie-Laure, la petite nouvelle du jour. Elle souffre d'un handicap lourd et d'une autonomie physique limitée. Lors de cette séance-découverte, il s'agit d'évaluer comment elle se sent dans l'eau. "Puis, petit à petit, on va lui proposer d'avoir de nouvelles sensations", explique Stéphane, professeur en activité physique adaptée et maître nageur.
Marie-Laure abandonne son fauteuil pour passer une grosse demi-heure dans les bras des encadrants. Un peu hésitante, elle parviendra tout de même à mettre la tête sous l'eau. Mais sa séance sera écourtée à cause du froid. Elle est rejointe dans les vestiaires quelque temps plus tard. Vient le temps du rhabillage. Trente minutes en moyenne avec l'aide des accompagnateurs, avant de regagner le minibus adapté et le foyer. "Ça va ! C'était chouette, mais je sens que je vais bien dormir ce soir", assure Josépha, qui arbore fièrement sa casquette de l'OM.
La séance n'est pas tout à fait terminée pour Nathalie Dagnet et son équipe. Sur le parvis de l'établissement aquatique, l'ordre du jour du débriefing portera ce soir sur l'adaptation de Marie-Laure. Stéphane détaille : "C'est un poids plume, mais elle est très tonique. Il faut faire attention en la prenant qu'elle ne bascule pas en arrière et ne se blesse. Ce qui est bien, c'est qu'avec elle on peut faire plein de choses." Nathalie Dagnet enchaîne, satisfaite : "Merouane a fait d'énormes progrès. Même au niveau de sa surdité, il communique beaucoup mieux."
(Cette association fait partie de la première promotion francilienne de l'école Fais-nous rêver-Fondation GDF-Suez, qui accompagne dix structures associatives dans leur développement. Pour en savoir plus :Apels.org)

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