mercredi 17 avril 2013

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Vers une hospitalité en psychiatrie: comment construire le changement ?

17 avril 2013 Par Paul Machto
Plus de 1000 personnes étaient présentes l’an passé au meeting du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire à Montreuil. Les partis politiques invités ont exposé leurs propositions pour la psychiatrie. Depuis un an, une période politique s’est close avec le départ de Nicolas Sarkozy. Il s’était illustré en 2008 par un discours criminalisant les malades mentaux, un budget inaugurant un nouvel enfermement, - octroi de moyens financiers importants pour ériger, clôtures, murs, chambres d’isolement, caméras-, et des mesures répressives contenues dans la loi du 5 juillet 2011. Cette loi indigne, combattue par « les 39 » , l’ensemble des syndicats de professionnels et des partis de gauche, de nombreux patients et parents, a introduit la pratique de soins sans consentement au domicile du patient, pervertissant profondément la notion même de relation soignante basée sur la confiance réciproque, mais aussi « une garde à vue psychiatrique » de 72 heures, un fichier national des patients. Les familles, mystifiées par le gouvernement précédent, sont placées dans une position intenable, servant de lieu de soins à la place de l’hôpital pour des personnes sortis trop rapidement d’un service hospitalier. Nous devons rappeler ici, que le parti socialiste, notamment, avait bataillé fermement à l’Assemblée comme au Sénat contre le projet de loi.
6000 citoyens (professionnels, parents, patients) viennent de  signer un nouvel appel du collectif des 39 [1]:

« Pour la suppression (et non l’adaptation) des dispositions liberticides de la loi du 5 juillet 2011.
Redonner à la psychiatrie comme mission essentielle de soigner des personnes en souffrance et non d’éradiquer des symptômes, ni de normaliser des populations.
La mise en chantier d’une ambitieuse loi cadre prévoyant notamment une formation spécifique à tous les métiers de la psychiatrie, des moyens humains suffisants en qualification et en nombre, une réforme de l’évaluation en fonction de critères issus de la clinique et non de l’entreprise».
Aujourd’hui nous en sommes toujours là. Le changement en psychiatrie nécessite que soit d’abord abrogée cette loi, affirment ces premiers signataires.
Mais les ambitions du collectif des 39 vont au-delà : nous voulons fédérer tous ceux qui veulent participer à une refondation de la psychiatrie  car  depuis des années, une succession de lois (Plan Juppé, loi Hôpital Patients Santé Territoires de juillet 2009...) ont attaqué la possibilité du soin psychique, aussi bien en psychiatrie que dans le médico-social, vécue douloureusement par les soignants mais aussi par les patients et leurs familles. La prise en charge relationnelle singulière est remise en cause au profit d’un formatage imposé par l’obligation de se plier à des protocoles élaborés par les « experts » de l’HAS, au nom de « la qualité ».
Il est important aujourd’hui  de reprendre une parole qui  a été confisquée.
Ceux qui subissent leur maladie doivent aussi supporter la mise au silence, la privation de leurs droits fondamentaux et la réalité d’une ségrégation sociale. Des témoignages révoltants de cette dégradation nous arrivent de toutes parts. Nous affirmons pourtant qu’aujourd’hui d’autres pratiques existent, qu’elles se réclament de la psychothérapie institutionnelle, du désaliénisme, du secteur, de la psychanalyse, d’une conception humaine de la relation soignante.
La refondation de la psychiatrie ne peut venir des « experts » de la Haute Autorité de Santé, mais d’une prise de parole active de tous ceux qui se sentent concernés, soignants, patients et familles, mais aussi artistes et créateurs qui se sont engagés avec nous, et de tous les citoyens qui ne peuvent supporter que des lois s’attaquent aux fondements de la République en bafouant les droits de ceux qui mériteraient au contraire la protection de la cité.
Pour cette refondation nous devons faire l’inventaire de toutes les lois empêchant le soin, définir les moyens et les formations spécifiques nécessaires, et exiger du gouvernement la mise en œuvre d’une grande loi-cadre pour une psychiatrie centrée sur le soin et non sur la normalisation des conduites et des populations.
Pour cela, le collectif des 39, en partenariat avec les CEMEA[2], appelle à la tenue « d'ASSISES CITOYENNES POUR L’HOSPITALITÉ EN PSYCHIATRIE ET LE MEDICO-SOCIAL », les 31 mai et 1er juin à Villejuif[3]. Ces Assises seront basées sur les témoignages et les expériences de terrain qui seront les éléments constitutifs de propositions concrètes.
Le temps presse, le changement est indispensable. L’immobilisme actuel ne fait qu’aggraver la situation, entraînant des comportements de renoncement ou d’indifférence, voire une soumission mortifère.  
Hervé Bokobza, Mathieu Bellahsen, Marie Cathelineau, Patrick Chemla, Dominique Damour, Yves Gigou, Serge Klopp, Paul Machto, Sylvie Prieur.

[2] Centre d’Entrainement aux Méthodes d’Education Active
[3]Pour avoir le programme et s’inscrire  http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=5793

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